Grand Marquis – Ma politique: Du rap à sa simple expression

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01. Intro
02. Plus ça change plus c’est pareil
Ministère des finances
03. Think Big (feat. Ninfu & Clermont)
04. On continue (feat. Dupuis & L’Assemblée)
Ministère santé et services sociaux
05. La rage (feat. Wiser)
06. Penses-y
07. Si ton heure vient… (feat. Mic Life)
Ministère de la culture et communications
08. Je me ferai pas… (feat. Wiser)
09. Les MédiaRRK!!!
10. Number 1 (feat. Dupuis & Therapyst)
Ministère des affaires sociales
11. Ma famille
12. Chu ce que chu
13. Don’t wait 4 me 2night (feat. Dupuis & Inacio)
Ministère des sports et loisirs
14. Move Ma!
15. Le Par-T
16. Shaker D Q (feat. Ninfu & Wiser)

Il ne m’a pas fallu beaucoup d’écoutes pour constater que je ne pouvais concilier facilement ma définition du rap avec celle que nous propose Grand Marquis sur son premier album solo, Ma politique. À la tête de North Side Crew (NSC) Records, ce jeune rappeur et producteur nous propose un disque qui a de la difficulté à coller à ma façon de penser, par une forme assez simpliste. Néanmoins, il sait nous livrer explicitement une vision du monde, très politisée et très claire, qui a le droit et le devoir d’être dite.

Commençons par analyser le message derrière tout ça : Grand Marquis nous apparaît comme anarchique, par ses attaques violentes à l’égard des institutions politiques. On démarre l’album sur un témoignage d’une attaque à la mitraillette sur l’Assemblée nationale, qui ne sera pas tout à fait contredit par le rappeur. Il sait nous exprimer sa rage à l’égard de tout ces gens qui nous gouvernent :

« J’ai pas besoin de cours de mathématiques, pour me rendre compte, yo, qu’ils me volent mon fric » – Extrait de l’intro.

C’est sur un autre aspect qu’il y a problème : je considère qu’il y a des paroles dont le message peut être souvent cliché, surexploité, à travers des formulations parolières plutôt simplistes. En effet, on assiste souvent à une prolifération de rimes de la même finale (d’autant plus qu’elle est souvent en –é) et à une utilisation trop constante de petits mots courts (ça, là, toé, etc.) qui servent à faire rimer pour que le sens reste. Il manque aussi de variation de rimes ; parfois, Marquis surexploite certaines finales trop longtemps, avec des mots assez clichées (par exemple, avec la finale -age).

Disons tout de même que ce « défaut » devient pour certains une qualité : il est clair et net qu’il reste vrai dans ses paroles, qu’il n’altère pas sa pensée dans des figures de style et des structures complexes de rimes. Évidemment, si on ne fait que rajouter un petit mot pour faire rimer la ligne, on gardera le sens « pur », non-modifié par les contraintes de la versification. Cependant, sa musique me donne l’impression qu’il est facile d’écrire du rap ; l’autorité de celui qui maîtrise son art n’est pas du tout en œuvre ici.

Il sait rester fidèle tout au long à son sujet de base, la politique, sans que c’en soit particulièrement redondant ; il peut l’amener sous des aspects plus artistiques (Quebecor, etc. sur « Les MédiaRRK!!! »), économiques (les politiciens nous volent notre fric), sociaux (la jeune fille agace enceinte… sur « Penses-y ») ; il vient à l’intégrer dans le concept de l’album, en divisant ses chansons selon cinq « ministères » relatifs aux sujets précis. Certaines parties sont plus clichées que d’autres, exploitant des sujets assez communs dans le rap. Il y ajoute cependant son grain de sel et sa manière. Son flow n’a pas la prétention d’être particulièrement percutant : le message passe, parfois triste, parfois agressif, et c’est ce qui compte ; il a d’ailleurs une bonne variation de ce côté-là. Dommage qu’il y a ait beaucoup d’étirements qui rendent certaines de ses lignes forcées.

Certains featurings nous amènent des vibes intéressants, notons L’Assemblée, qui participe sur un instru de guitare similaire aux sons de leur album (fait par Ironik), très fort (« Ça continue ») avec Dupuis, présent au total sur trois chansons, toujours dans les sonorités plus raggae et entraînantes, ou Therapyst, qui apporte une structure textuelle plus complexe. Wiser aussi, présenté sur Sans rimes ni raisons, se débrouille bien sur les 3 pistes où il apparaît. Grand Marquis a des instrumentaux (principalement composés par ET et lui) tout aussi simplistes que ses paroles, sans par contre que cet aspect nuise au reste de son rap : il ne se démarque pas par sa musicalité mais les caractéristiques musicales de son art ne sont pas un manque en soi ; les instrumentaux s’accordent aisément avec son style de flow et mettent l’accent sur le message des paroles.

J’ai de la difficulté à placer Grand Marquis en lien avec ses contemporains dans le rap. Son style est très différent de ce qui se fait, mais en même temps, il manque d’originalité car il ne va pas nécessairement plus loin que ce que d’autres ont pu faire avant lui. Il est à mon avis apte à sortir une œuvre meilleure que ce qu’il a fait sur Ma politique. Je suis certain qu’il a sa vision personnelle du rap, et que tout ce qu’on peut lui reprocher sur son album ne va pas en contradiction avec celle-ci. J’espère que ses prochaines apparitions sauront nous prouver qu’un rap comme il en fait se doit d’exister sur la scène rap au Québec.


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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