L’art d’avouer des choses d’emblée

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Il est intéressant de voir que les journalistes commencent tranquillement à parler du rap québécois. Notons cependant que, malgré la visibilité que ça permet aux artistes hip-hop, on ne peut pas vraiment dire que tous sont capables d’en parler… Il est étonnant de voir le genre d’affirmations qui sont énoncées : un article sur Têtes dans la lune des 2 Tom paru dans le Devoir en est un bon exemple.

« Avouons-le d’emblée, on ne trouve pas souvent notre compte avec le hip-hop d’ici : trop de clichés de mauvais garçons de la rue ou, à l’inverse, de gentils rimeurs à l’accent étrangement français (1). » Intéressant comme vision du rap québécois : malheureusement, cette façon de voir les choses n’est pertinente qu’à peu près uniquement pour être réfutée. D’abord, comment pourrait-on diviser le rap qui se fait ici d’une façon si simpliste?

Considérons quelques instants que ces deux catégories existent : le rap de rue cliché et le rap gentil à l’accent français. Quels artistes pouvons-nous classer où?

Pour les « mauvais garçons de la rue », oui, certains groupes entrent dans les clichés, mais, de façon générale, ceux qui se démarquent et qui ont eu la chance de se faire davantage entendre sortent des clichés véhiculés par le rap des États-Unis et amènent généralement des éléments qui les rendent plus singuliers que les clichés. Ils sont davantage des témoins de la vie de rue montréalaise qui voudraient bien s’en sortir que des stéréotypes faussés.

Côté rap gentil à l’accent « étrangement » français, le meilleur exemple serait sans doute Dubmatique. De façon générale, ceux qui ont cet accent « étranger » ne le forcent aucunement. Et honnêtement, je ne vois pas quels groupes sont allés aussi loin (que de forcer leur accent) dans cet extrême; soit le chroniqueur connaît des groupes dont je suis ignorant, soit ses connaissances en rap québécois datent un peu.

Il est clair que ce chroniqueur du Devoir a un public cible limité pour lancer de telles affirmations sans exemple. On dirait presque qu’il tente de rallier ceux qui avaient déjà ce genre de classement en tête de son côté pour qu’ils suivent son point de vue. Quoiqu’il en soit, son article vise nécessairement un public externe aux amateurs de rap québécois, ceux qui ont pourtant le plus de chances d’acheter cet album.

Heureusement que les chroniqueurs se penchent maintenant davantage sur le rap québécois. J’ai par contre très hâte que ne soient plus affirmées des choses « d’emblée ».

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1. Philippe Papineau, « Têtes dans la lune, Les 2 Tom », in « Vitrine du disque », Le Devoir, vendredi 5 mai 2006, p. b5.


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


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