Centre-ville de Montréal, coin Ste-Catherine & Guy, je rejoins Maest, accompagné de 3 amis, dans un café. C’est sur un fond sonore d’automobiliste testant la patience d’un policier que débutera notre entretien. J’en apprendrai donc plus sur la conception de la musique de ce groupe aux sonorités différentes qui vient de nous offrir l’album Abusive Musik.
HHFR : Qui est Sagacité? Où est-ce qu’on a pu vous entendre avant? Est-ce que c’est votre premier album, votre première apparition sur disque? Où est-ce qu’on a pu vous entendre avant?
Maest : C’est pas le premier disque, c’est pas la première scène non plus. Ça fait huit ans, on a commencé en 97-98, à Rivière-du-Loup, dans l’est du Québec. Puis, Sagacité en fait, maintenant en 2006, c’est moi, Maest , avec Franko [Frankofun], que tu vois dans la pochette aussi avec moi. Franko au niveau musical, moi, au mic, avec des collaborations autour. Quand je dis Sagacité, à la base on est deux, bon, y’a des choristes, des musiciens, le DJ, tout ça, mais on est deux à la base dans Sagacité. C’est le premier album qui est distribué partout, pis avant ça y’a eu quand même deux mixtapes, une compilation, et un premier album qu’on a fait en 2001, mais qui a pas été distribué. Donc on peut dire que c’est le premier album officiel, là, l’album éponyme.
HHFR : Tu disais que ça faisait huit ans que vous êtes tous ensemble. Pourquoi aujourd’hui, pourquoi pas avant, pourquoi pas plus tard? C’est là que vous étiez prêts?
Maest : Oui, entre autres, mais y’a aussi un paquet de facteurs. On a été à Montréal un bout de temps avec un studio, le studio Atlantide, ça a duré 2-3 ans. Ça aurait pu être prêt à ce moment-là, mais y’est arrivé des bad lucks : le studio, etc. On s’est rapatriés vers Québec, pis là on a crée cet album-là. Cet album-là on le crée depuis 2003 : on aurait peut-être pu le sortir avant, mais 2003-2006, on s’est concentrés sur ça. C’est aussi les deals de business, qui fait que ça a pris plus de temps. Mais, c’est là qu’il est prêt. Je pense que c’est l’album le plus abouti, le projet qui est le plus complet.
HHFR : Votre rap, vous dites dans l’intro que c’est un rap électronique, électro. Qu’est-ce que ça change par rapport à un rap qui est plus traditionnel? C’est quoi du rap électro pour vous?
Maest : Ben, entre autres – sans parler pour Franko, mais c’est Franko qui est, beaucoup, musique – il a un gros background de break-beat, de drum and bass. Pour les influences, on écoute aussi pas mal d’électro, beaucoup de hip-hop, moi je reste puriste de hip-hop de A à Z depuis longtemps. Sauf que c’est le mix de moi pis Franko qui a donné cette sonorité-là particulière. Dans les sonorités, dans les tweaks électros , dans les sons qu’on a choisis, pis dans les bpms plus rapides aussi, on est sortis du carcan de 90 bpms, on est allés taper dans le plus haut que ça. C’est ce côté-là qui sonne un peu plus électro-hip-hop, là. C’est comme ça qu’on le définit.
HHFR : Y’a plusieurs collaborations sur l’album, entre autres avec Boogat . Y’a des points communs avec lui, niveau sonorité, du fait que vous êtes plus originals [sic] que la moyenne du rap si on veut. Est-ce que Sagacité s’identifie à ce que Boogat et d’autres de ce genre-là ont pu faire?
Maest : Ouais, ben, au niveau rap conscient, au niveau lyrical, oui. C’est sûr que Dan a des influences plus latines dans sa musique, c’est moins proche de ce qu’on fait. Mais, comme je te dis on a commencé en 97-98, Dan était avec Andromaïck à Québec. […] Ça fait déjà plusieurs années qu’on écrit ensemble. Là, y’a le collabo, mais y’a d’autres tracks en backup : d’ailleurs, avec Nazbrok et Boogat, on avait un projet qui s’appellait « Les poètes maudits », les trois ensembles. Sans l’annoncer tout de suite, c’est à venir, dans les prochains times. Donc, oui, j’me considère un peu dans le même range.
HHFR : Je sais pas si c’est voulu ou pas, mais y’a des liens que j’ai fait avec des groupes comme Omnikrom ou TTC. Dans le fond, vous vous ressemblez dans les sonorités un peu : techno, électro, etc.
Maest : Mais pas lyricalement, trop.
HHFR : Un peu, comme, par exemple, vous parlez beaucoup de la sexualité.
(Rires.)
HHFR : Dans le fond, je voulais savoir si ces groupes-là avaient influencé votre rap.
Maest : Pas tant que ça je te dirais, on les a découvert un peu après. Même hier, quelqu’un me parlait de Ghislain Poirier, ou d’autre monde dans le genre. TTC, j’ai écouté, mais sur le tard, c’est venu après. On n’a vraiment pas eu ces influences-là, à travailler sur cet album-là. On peut faire des comparaisons, mais ça a pas été des influences qui a fait qu’on se lance dans cette voie-là.
HHFR : Par rapport au hip-hop en général, tu me disais tantôt que t’étais plus traditionnel. Est-ce que le rap, vous vous identifiez à ce genre-là, ou c’est plutôt une influence pour vous autres?
Maest : Non. Moi, j’écoute beaucoup de rap européen. Sinon, j’ai des boys dans le team que c’est le gros rap américain, mais ça fait dix ans quand même qu’on est dans la culture.
HHFR : De plus en plus, y’a des groupes qui s’éloignent du rap qu’on peut appeler traditionnel.
Maest : Ouais, mais les influences sont là.
HHFR : Est-ce que tu penses qu’essayer de classer la musique dans des genres, ça peut nuire, ou est-ce que c’est une bonne chose pour mieux les identifier?
Maest : Ben, c’est sûr que ça prend un qu pour savoir. Sauf que, non, on est durs à classifier quelque part. Avec la pochette, et tout, c’est ce qu’on voulait, que le monde se dise pas : « Okay, ça y est c’est hip-hop. » Non, c’est quoi c’est lounge, électro hip-hop, poétique à fond.
HHFR : Essayer d’atteindre quelque chose de plus général. Quand on écoute votre album, y’a beaucoup de sonorités, ça exploite des affaires assez différentes. C’était quoi la ligne directrice qui guidait votre album? Est-ce qu’il y avait un thème que vous vouliez suivre?
Maest : En partant du concept Abusive Musik, qui est venu avec Nazbrok quand on est venu à travailler ensemble, Daz vient de Montréal, moi j’suis de Québec, dans ces derniers années-là, y’est venu beaucoup dans mon coin. […] On s’est lancés dans beaucoup de sonorités différentes, la track single « Te comprendre », pis le premier clip, c’est vraiment l’âme de Nazbrok qui a amené dans notre délire à nous, qui a fait une fusion différente. Y’avait pas de ligne directrice comme telle : en ayant Abusive Musik comme thème c’était assez large. Pis, ça reste poésie de nuit pas mal, ça reste night life, etc.
HHFR : En général, dans la musique, est-ce que vous utilisez toujours du sample, ou y’a des vrais instruments.
Maest : Non. […] Franko travaille avec un keyboard pis c’est toute de la composition. Y’a le featuring avec Boogat, que lui a fait son son à lui; le reste c’est Franko pis Nazbrok pis c’est de la création quasiment de A à Z.
HHFR : On va embarquer dans les sujets que vous abordez. Ça parle de politique, de sexualité; les sujets sont exploités de façon différente. Des fois, on vous sent ironique, des fois c’est plus direct, plus vrai, plus subtil, presque allégorique. Pourquoi est-ce que tel sujet vous le faites de telle façon?
Maest : Ben, c’est vrai qu’on les aborde différemment. Comme les poésies pour femmes que je fais avec Naz, c’est comme une ode à la féminité. C’est de parler des femmes mais autrement que ce qui se fait. Le mot subtil est bien dit; ça reste au niveau de l’écriture que ça a pris cette forme-là. Naz amène des refrains, des thèmes… pour le côté « femme » de l’album, c’est vrai que c’est différent. C’est voulu aussi, c’est ce qu’on est; on tombera pas dans les mêmes propos que les autres, parce que, en tout cas, moi c’est pas ce que j’ai à dire. Pis pour le reste, les sujets plus deep, c’est des sujets qui sont venus en caucus avant de travailler sur les sons. Y’a une track comme « Ultime Atome » qui est vraiment plus mondiale, y’a la track avec Boogat, « Tout ce qui brille », beaucoup de tracks qui ont différents sujets. Ça reste at large , tu peux pas coller sur une chanson un sujet précis.
HHFR : Tu parlais de qu’est-ce que tu voulais dire, est-ce que y’a quelque chose de précis avec cet album-là qui avait à passer?
Maest : Ouais, c’est vrai qu’on dit ce qu’on vit, ce qu’on ressent, ça reste nous. Pour le reste, on passe des messages sur ce qui se passe un peu partout, ce qui se passe au niveau de la jeunesse, au niveau des problèmes sociaux, etc. D’une façon assez large pour pas avoir une étiquette. J’ai jamais vraiment aimé une chanson qui reste 3 couplets, précis, sans s’éloigner… moi et Nazbrok on est allés, le côté Abusive fait que ça reste large. J’pense que le message passe dans chaque chanson aussi. Beaucoup de sujets dans cet album-là, mais on n’a pas tout dit, dans le sens que les prochains projets vont peut-être être plus pointilleux, sur différents thèmes qu’on n’a pas abordés sur celui là.
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