Héritage et réappropriation
Banneur est un rappeur français du 93, qui a commencé dans le groupe Sentinelle Urbaine en 1995. Il part en solo et se fait connaître sur mixtapes & compilations entre 1997 et 2003, avant son maxi éponyme. Son parcours ne date donc pas d’hier, et, effectivement, Musique comme héritage est le juste témoin d’un long cheminement qui passe par l’expérience de la musique et de la vie.
Le titre « Musique comme héritage » n’est pas utilisé à tort et à travers : en effet, on voit qu’il y a un héritage transmis dans ce que Banneur nous raconte. En même temps, il y a une réappropriation importante, puisque la musique sonne souvent très contemporaine. Elle est parfois très répétitive, mettant en évidence le sample (comme dans « Ma zik (part2) »), ou avec des éléments de musique électronique, comme sur « La voix du peuple » ou « Le messager ». À d’autres moments, il reste dans une voie plus classique, dans le choix des sonorités de « Enfant du soleil » ou « Débarquement 93 », par exemple.
Banneur accorde de toute évidence une grande importance à la culture, dans tous les sens du terme. Déjà le titre le suggère, et on voit que Banneur, sur « Pas de couleurs », parle de Schubert, Sinatra, mais aussi plusieurs noms de grands personnages hors de la musique comme Alexandre le Grand, Saladin, Einstein ou Picasso; « On veut notre nom au Panthéon », en effet, et le fait qu’il en parle montre qu’il vient après d’autres, dans une longue tradition dont il faut être conscients.
Le thème préconisé est sans doute l’identité, collective ou individuelle. En effet, on fait partie de quelque chose, que ce soit à travers le quartier qui nous représente (« Département 93 »), ou encore simplement de faire partie du même monde (« Enfant du soleil »). Ce sujet revient souvent dans ce disque. Il met en opposition la perception et la réalité de cette identité dans « Pas de couleurs », afin de porter un discours implicite mais pas détourné sur le racisme. Plus « pacifique » qu’agressif, ses textes sont plutôt des témoignages que des revendications.
La forme n’est pas innocente, on le voit dans « Le messager ». Une répétition presque abusive des mots « Le messager se fait toujours descendre » nous la fait entrer comme un élément significatif, leitmotiv à la track invitant à être interprété. « On fonce malgré que le monde nous boude », ou « J’voudrais m’étendre, ma pensée sur bande » sont des mots entendu dans la même track, ce qui nous incite à croire que le messager qui se fait toujours descendre serait le médium rap lui-même. La communication se fait donc parfois par allégorie.
Honnêtement, si je devais donner un point négatif à l’album, ce serait qu’il manque de singles, de commercial. « Plock Plock » est son premier extrait, et fait amplement l’affaire pour ceux qui aiment le rap, mais n’est ni la norme sur ce disque, ni la piste la plus en demande dans les clubs. Banneur ne semble pas faire de la musique pour avoir un hit à la radio, ce qui fait que l’album est bon dans son ensemble, et que chaque piste est travaillée pour créer un sens plutôt qu’un produit.
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