Faf Larage et la mise en abîme

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Sad Hill (Kheops, 1998)Afin d’expliquer clairement le concept de la mise en abîme, j’aurai recours à l’exemple de la piste « Le fainéant » de Faf Larage, paru sur la compilation de Kheops Sad Hill (1998).

Je mets en contexte: il y a un personnage diégétique (le fainéant), « incarné » par Faf Larage, qui l’interprète donc en parlant au je. Il s’introduit et nous décrit son mode de vie, où sa compagne « l’entretient » en lui permettant de rester chez elle à ne rien faire.

Et voilà qu’à un moment, sacrifiant même la rime, le personnage dit:

Y’a eu ce rappeur l’autre soir à la télé
Pas mauvais, je dois dire le petit, Faf Larage qu’il s’appelle
Le type me ressemble comme deux gouttes d’eau
La meuf a cru que c’était moi, je l’ai joué: « c’était pour te faire une surprise »

L’intérêt de tout ça est dans la confusion qui s’opère pour l’auditeur, pris dans un questionnement à propos du rapport entre le monde diégétique de l’oeuvre et le monde réel: « y a-t-il deux personnes identiques, Faf Larage et le fainéant, ou est-ce que Faf Larage se joue de nous? ». Bien évidemment, la réponse est à la limite évidente. Mais le jeu continue:

Ce Faf Larage, il a écrit un texte, on dirait moi en plus vulgaire

Ainsi, la piste « Le fainéant » est-elle ce morceau plus vulgaire dont le personnage nous parle, où Faf Larage, rappant, serait conscient de faire parler son personnage comme si celui-ci n’était pas conscient qu’il est en ce moment même le personnage principal dans une chanson? Si on entre pleinement dans le monde diégétique de l’oeuvre, tout se passe bien, car il n’y a pas de contradiction à ce qu’un personnage parle d’un autre, identique physiquement, qui aurait fait une chanson sur lui. Mais, ici, le fait que le fainéant spécifie beaucoup de détails sur la chanson et sur Faf Larage, allant même jusqu’à évoquer le fait que sa compagne « a acheté l’album de Kheops », album qu’on est en temps normal en train d’écouter au même instant, nous rappelle notre statut d’auditeur.

Toute cette confusion entre monde diégétique supposé et monde réel nous rappellent sur quoi tient la diégèse, soit sur toute la structure musicale et lyrique. Cet effet de mise en abîme, où l’oeuvre existe et est évoquée à l’intérieur d’elle-même (comme lorsqu’on filme un téléviseur qui affiche ce qu’on filme) devient un effet autoréflexif (self-reflexive), c’est-à-dire qu’il nous renvoie à notre position en tant qu’auditeur d’une oeuvre audio.


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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