Les limites de l’infini

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Lors de ma lecture de la thèse de Bernard Perron, La spectature prise au jeu. La narration, la cognition et le jeu dans le cinéma narratif [disponible sur Ludiciné], je tombe sur une citation qui me fait réfléchir sur le concept de l’infini. Perron parle des hypothèses que le spectateur se fait sur ce qui va se passer dans le film au moment où il pratique sa spectature (soit, ses attentes à mesure que le film se déroule).

Celui-ci [le pouvoir de création], tout en restant en principe infini, est pourtant limité par ce qui limite le champ des possibles à l’intérieur du langage lui-même. En effet, tout n’y est plus possible, car n’importe quoi qui n’y a pas (ou n’y a plus), a priori, un sens. L’institution du langage limite déjà le champ des possibles à l’intérieur de ses propres règles, celles par lesquelles un énoncé possède ou acquiert ou non une signification [ATLAN, 1986: 285; cité dans PERRON, 1997: 158]

L’exemple est particulièrement pertinent: il peut se passer un nombre infini de choses dans un film, même si on peut techniquement circonscrire les possibilités dans une certaine boîte, relative à la configuration (ou dans certains cas le genre) dans laquelle le film s’inscrit.

Il ne faut pas croire que l’infini est synonyme de tout ce qui existe. En effet, si on dit que les nombres sont infinis, en réalité, ils sont limités par la définition même de nombre: tout n’est pas un nombre, mais il existe une infinité de possibilités de ce qu’on peut définir en tant que nombre. Même chose pour tout ce qui concerne l’imagination: l’humain peut imaginer une infinité de choses, même si ses possibilités sont limitées par ce qu’il est physiquement possible d’imaginer.


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2 réponses à “Les limites de l’infini”

  1. Avatar de noreply@blogger.com (Antoine)

    Voilà qui porte à réfléchir.

    Oui, on en revient toujours aux limites de la connaissance finalement, du genre humain. Sans compter les limites particulières à chaque individu. Je pense que le concept d’infini vient du fait que, par expérience, les vérités ou les «faits» se succédant plutôt que s’accumulant définitivement dans la science ou dans la vie d’une personne, nous sentons que ce qui nous échappe est infini, que l’appréhension du réel se fait au quotidien.

    Pour en revenir à la citation, je vois mal l’intérêt de la question qu’il pose. En quoi ce que nous ne pouvons saisir à l’intérieur des limites de la connaissance nous intéresse-t-il comme humain? Après tout, un film est réalisé par un humain et c’est ce tout qui nous intéresse. Peut-être essaie-t-il de prouver l’inexistence d’un langage propre au cinéma ou à l’image qui serait alors totalement soumis aux fonctions du langage. Mais pour le cinéaste, que cela soit vrai ou non à peu d’importance à mon avis, car l’émotion précède de loin le verbe. Prenez l’oeil coupé en gros plan dans Un chien andalou, la première fois que vous voyez cette image, l’émotion est là immédiatement et vous ne savez pas pourquoi. Ça fait appel à une sorte d’horreur viscérale qui ne nécessite pas de connaître les mots «oeil», «couper», «rasoir», «bobo», «aveugle», «douleur», etc. Bref, on peut analyser notre réaction après coup avec les mots, mais l’effet de l’image est bel et bien là. C’est ce qui intéresse le cinéaste.

  2. Avatar de noreply@blogger.com (Simon Dor)

    C’est de dire qu’on est contraints dans les limites du langage qu’on utilise. Au cinéma, on est limités par l’audiovisuel, car c’est uniquement sur cet aspect que le cinéaste peut avoir un certain contrôle. Tout ce qui ne se fait pas en audiovisuel est impossible au cinéma, et c’est particulièrement important pour un scénariste, par exemple, de le considérer. Les possibilités sont infinies, car elles sont innombrables, mais elles sont tout de même limitées dans leur infini.

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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


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