Quand le stéréotype prend le dessus

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La plupart des gens qui me connaissent dans un contexte universitaire sont surpris lorsqu’ils apprennent que j’écoute du rap. Il m’arrive de me faire dire quelque chose comme: « une chance qu’il y a des gens qui écoutent du rap mais qui peuvent avoir un discours si cohérent ». Jusqu’à récemment, je le prenais comme un compliment, et je suis sûr et certain qu’il est dans l’intention de ceux qui le disent de me faire ce compliment. Or, justement, je me suis rendu compte de l’absurdité de ce commentaire, voire du caractère stéréotypant qu’il sous-entend. Comme si je faisais figure d’exception parmi le « milieu hip-hop », ou même parmi tout ceux qui écoutent du rap. Ce qui me ramène à Akhenaton, sur « Métèque et mat » (Métèque et Mat, 1996):

On nous a fait croire que l’on était des merdes et à force on l’a cru
Le stéréotype a pris le dessus
Aucun héros à notre image, que des truands

Akhenaton - Métèque et mat (1996)Ici, Akhenaton fait plutôt référence au stéréotype du « métèque ». Je ne connais pas parfaitement son utilisation actuelle, mais « métèque » fut une classe sociale dans l’Athènes antique, classe sociale d’immigrés qui n’étaient pas considérés comme citoyens à part entière. Je vous suggère d’écouter la chanson en entier (ou l’album, pour ceux qui n’y sont pas initiés), car le propos est plus que pertinent et mérite une attention plus approfondie. En voici le refrain, qui résume bien évidemment l’idée générale de la chanson:

Nous avons subi la loi des visages pâles
Car Mat est le métèque
Pour dix balles, accomplis les tâches et les travaux les plus sales
Car Mat est le métèque
Fascinés, par le mirage des idéaux de modernité, nos peuples se sont acculturés
C’est pourquoi, la fierté demeure toute seule dans nos sacs, de métèques et mats

Vous allez me dire que j’extrapole et que je place une situation raciale extrême à un stéréotype musical et vestimentaire. Mais, quand un jeune écoute une musique qui l’instruit sur des problèmes de société et qui l’amènerait peut-être à vouloir en savoir plus, mais qu’un stéréotype sur ses goûts vient lui coller à la peau, comment peut-il vouloir et se donner les moyens de progresser intellectuellement? Rares sont ceux qui apprécient le rap d’abord et avant tout pour son discours intellectuel (je ne me compte pas dans ce nombre non plus), mais je crois que sans ce stéréotype, la jeunesse aurait davantage confiance en son propre jugement pour ce qui est des éléments culturels.

Je me fais donc un devoir d’un jour légitimer le rap aux yeux de la société.


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3 réponses à “Quand le stéréotype prend le dessus”

  1. Avatar de noreply@blogger.com (R.)
    noreply@blogger.com (R.)

    héhé j’ai l’impression de me reconnaître quand tu décris cette situation – les gens sont toujours surpris qu’on puisse (essayer de) tenir un discours un minimum construit sur le rap. D’autant plus quand ils ne voient pas de « raisons » qu’on en écoute. C’est justement le problème : pourquoi faudrait-il des raisons pour en écouter ? Alors que cette musique a tellement de bonnes choses à offrir : une vision de la société parfois comme tu le dis mais aussi, d’un point de vue plus « hédoniste », une vraie énergie ou encore de belles histoires. Il y en a pour tous les goûts !

  2. Avatar de kiff ta race

    oui et un de plus !
    j’ai toujours été halluciné de voir comment à chaque fois, le rap doit toujours se justifier et/ou montrer patte blanche.
    Et effectivement le stéréotype est toujours en pleine forme !
    Le rock est construit sur 3 accords, L’electro c’est du recyclage de son, mais le rap n’est toujours pas de la musique.
    Mais ce qui fait le plus mal, c’est le public reste toujours cette masse d’abrutis implet, en manque d’éducation, toujours pret à se transformer en délinquant à l’écoute des morceaux de hip-hop…

    C’est marrant quand même d’avoir le même problème. Moi ça va encore plus loin, pendant des années j’ai recherché du hip-hop jazzy / instrumentaux ou rigolo, parce que j’avais honte. Il fallait que j’écoute du rap “pas comme les autres” pour me sentir en droit d’écouter ça.
    Quand j’ai découvert la puissance du hardcore, j’en ai voulu à la terre entière d’avoir découvert ça avec tant de retard!
    je me suis d’ailleurs jamais réconcilié avec le rock alternatif français.

    sinon pour reprendre une de tes dernières phrases, Qui apprécit la musique d’abord et avant tout pour son discours intellectuel?

  3. […] reprises du deuxième degré de leurs textes. Je viens de réaliser que toute cette histoire est une question de préjugés et de stéréotypes, car ce type de deuxième degré existe ailleurs, et est absolument toléré, voire […]

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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


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