Le signe d’Alberti

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Je place ici une définition selon Alberti qui me pousse à réflexion et sur laquelle je reviendrai probablement éventuellement.

J’appelle un signe (segno) une chose quelconque qui se tient à la surface de telle sorte que l’œil la puisse voir. Des choses que nous ne pouvons pas voir, personne ne niera qu’elles n’appartiennent en rien au peintre. Car le peintre s’applique seulement à feindre cela qui se voit. (Leone Battista Alberti, De pictura, 1435)

Intéressant de voir que, pour Alberti, la peinture [je rajouterai figurative, de sorte qu’on ne m’accuse pas de dire des absurdités, même si le concept d’abstraction est anachronique avec Alberti] tout entière est un signe – que le peintre ne peut que jouer avec le signifiant (qu’ici il appelle signe). Le signe se divisera plus tard, avec la sémiologie, en deux facettes, le signifiant et le signifié. Pour faire parler cette citation, on pourrait aller jusqu’à dire qu’Alberti a déjà compris que, si le signifiant est l’élément avec lequel l’artiste joue, le signifié lui échappe complètement [il fait partie bien sûr de ce qu’on ne voit pas]. Étudier les peintures qui lui sont contemporaines devient très éloquent: en effet, si on n’a pas une connaissance profonde des ouvrages influents de l’époque (La Bible, les hagiographies, les mythes grecs, etc.), on perd complèment l’accès au sens. La sémiologie semble donc se placer dans l’héritage direct d’Alberti, même si elle semble parfois oublier le fondement du signe, c’est-à-dire le contrôle quasi-total du signifiant mais le manque de contrôle sur le signifié.

Honnêtement, cette citation me réconcilie d’avec les conceptions de l’art de cette époque. Je vois que ce que je trouvais aberrant à la fois dans ces conceptions qu’avec celles contemporaines (comme la sémiologie) provenait probablement de la vulgarisation de son enseignement. Le même phénomène m’arrive dans le cours Introduction à la philosophie de l’art: je me rends compte que mon point de vue est biaisé sur l’ensemble de l’oeuvre (par la distance temporelle avec les textes), mais que certaines phrases clefs (comme celle mentionnée plus haut) permettent de comprendre que les éléments sur lesquels les auteurs se basent sont très valables, et témoignent de leur compréhension de phénomènes qui nous permettent même d’expliquer l’art actuel.

Source: Cours L’oeuvre d’art et ses textes, donné par Danielle Roberge à l’Université de Montréal à la session hiver 2008.


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


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