L’auteur dans l’approche narratologique

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André Gaudreault - Du littéraire au filmique ([1988] 1999)

J’ai trouvé quelques phrases clefs pour mieux expliquer ma conception du rôle de l’auteur lorsque je parle d’une œuvre, dans Du littéraire du filmique d’André Gaudreault. J’ai déjà tenté de définir plus clairement quelques raisons qui font que je veux me dissocier de la figure de l’auteur pour expliquer une œuvre. Ici, Gaudreault spécifie que, parce que le lecteur est au centre de la situation de lecture, c’est vers lui que l’activité de la narratologie doit se centrer.

D’où la nécessité de « bouter » l’Auteur hors de la Narratologie, qui est au premier chef une science s’occupant du récit et des récitants, pas de ceux qui les créent! [Gaudreault, 1999, p. 139]

L’explication plus détaillée se situe dans la note de bas de page qu’il fait à la suite de cette même phrase.

Qu’on me comprenne bien. Il n’y a là aucune forme de mépris à l’endroit de l’auteur que le narratologue peut d’ailleurs questionner, mais à titre d’auteur et non pas de narrateur. Répétons-le, Proust ou Griffith ne sont pas des narrateurs (malgré ce que voudrait faire croire la spécification entre parenthèses de la définition du Petit Robert – voir supra -). L’un est écrivain, l’autre cinéaste. La seule concession que l’on pourrait faire serait de considérer qu’ils ont en quelque sorte été narrateurs au moment (aux moments plutôt) où ils ont pris, qui sa plume, qui sa caméra, pour composer leur œuvre. Quand cette œuvre est consommée, ce n’est plus l’auteur qui me parle. La preuve (j’espère ne pas donner dans la facilité): j’ai lu hier À la recherche du temps perdu après avoir vu Naissance d’une nation (quelle journée chargée!) et pourtant Proust et Griffith sont, bel et bien, morts. [Gaudreault, 1999, p. 139, en note de bas de page]

Après un tel exemple tiré du livre d’un chercheur en études cinématographiques spécialiste en narratologie, comment essayer de mieux expliquer ma position là-dessus?


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4 réponses à “L’auteur dans l’approche narratologique”

  1. Avatar de Antoine

    Intéressant. Ceux qui étudient le récit et le récitant doivent alors faire attention de ne pas déraper et de respecter certaines balises. Par exemple quand je lis des trucs comme «l’auteur avait l’intention de faire ci» ou alors «on voit des influences de ci et de ça», je suis toujours dubitatif si ce n’est pas appuyé. Par exemple dans une entrevue des Cahiers avec Kitano Takeshi, «ah ouais votre film, les influences de Bunuel, blabla». -Je n’ai jamais vu de film de Bunuel. Et toc. Combien de fois aurions-nous eu l’heure juste avec les auteurs, des théories entières se seraient effondrées. 😉

  2. Avatar de Simon Dor

    En effet 🙂 Je fais particulièrement attention pour ma part à ne jamais, systématiquement, dire: « Ici, le réalisateur nous montre telle chose », et ce, même s’il s’agit d’éléments formels. Si le réalisateur avait toujours le dernier mot, pourquoi y aurait-il des « Director’s Cut »? Je ne crois pas qu’on puisse savoir vraiment qui nous montre ces images et ces sons…

  3. Avatar de hugo

    je pense qu’il y a un espèce de contrat sous-entendu qui rend le réalisateur responsable des images d’un film et ce même s’il ne l’a pas filmé (ou planifié) lui même, il l’a sélectionné pour faire parti du montage final.

    évidemment les director’s cut c’est des versions alternatives supposément plus proches des intentions du réalisateur. Mais le cinéma c’est l’art du compromis, alors je rend personellement le réalisateur responsable de tout (s’il admet avoir resté jusqu’au bout du processus).

  4. […] Le problème est que cette perspective oublie une chose : si le cinéaste a le devoir de filmer de sorte de réfléchir, ne peut-on pas incomber cette même responsabilité au spectateur? Autrement dit, ne peut-on pas supposer que, pour qu’une image soit complète, elle s’accomplisse à travers une réflexion éventuelle du spectateur, et que, en ce sens, le réalisateur peut avoir le bénéfice du doute quant aux propos qu’on place dans ses images? Ce serait associer à l’auteur les propos du méga-narrateur filmique, cette instance qu’André Gaudreault identifie comme ce qui serait le “narrateur premier”, celui qui “parle” cinéma, dans une approche narratologique qui se distancie de l’auteur. […]

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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


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