« Mes frères restent aveugles et restent sourds. »
King, « Rien n’a changé » (2002)
J’étais il y a quelques jours dans un party chez un de mes amis. Je suis allé quelques fois dans ce genre de party, souvent organisés par lui, mais ça faisait un certain temps. C’est le genre de fête où, de temps en temps, il y a quelques personnes qui freestylent. L’un de ces freestyles informels m’a fait réfléchir, car je trouvais qu’il incarnait l’ensemble de la soirée de mon point de vue. Quelques lieux communs du freestyle, notamment les termes « mouvement hip-hop québécois », m’ont fait me sentir vieux. J’avais l’impression d’avoir changé, mais d’être dans un environnement où « rien n’a changé » depuis les moments où je voulais faire du rap. Je l’extrapole en faisant l’hypothèse que ce manque de changement serait le problème fondamental du rap québécois. Il est par contre sans contredit nécessaire que les rappeurs se posent ces questions.
Un hip-hop apolitique même dans un rap politique?
La force de la pensée dogmatique
J’ai déjà définit ce que j’entendais par rap et hip-hop. J’ai été relativement critique à l’égard de certains groupes de rap politiques, comme Loco Locass et Droit d’parole, parce que je considérais que, parfois, ils ne faisaient que citer leur point de vue sans le décrire et le soutenir. Qu’est-ce qu’implique être souverainiste? En quoi est-ce que la souveraineté est un moyen qui pourrait nous conduire à ne plus nous faire avoir par les multinationales? Toutes des formules dogmatiques qui marchent bien dans des chansons mais qui manquent d’explications.
Loco Locass et l’engagement politique comme outil promotionnel
Suivant l’idée que « rap is something you do, hip-hop is something you live », il serait logique qu’un groupe qui se dit dans le mouvement hip-hop « vive » ce qu’il affirme dans ce qu’il « fait ». Le silence de Loco Locass durant toutes les campagnes électorales, notamment celle où il était question de « se libérer des Libéraux », a particulièrement fait descendre l’estime que j’avais de ce groupe. En aucun cas je ne dirai que Loco Locass n’a pas les convictions politiques qu’il affirme avoir, mais je dirai par contre que l’impopularité du PLQ leur a servi d’outil promotionnel – volontaire ou non – et qu’ils n’ont pas lancé l’assaut final au moment où ça aurait pu réellement changer les choses.
La volonté de changer le monde versus l’opportunisme du monde actuel
Mon impression à propos du rap québécois actuel: un immobilisme lassant. La forme reste la même, ceux qui ont innové ayant amener les balises du conservatisme des nouveaux. La fraîcheur que le « rap de guitare » et les « refrains chantés » ont amené, malgré toutes les controverses autour de sa « pureté », aurait pu emmené une vague de changement, au lieu d’entraîner d’autres groupes à s’approprier exactement la même forme et d’ainsi avoir une certaine « popularité ». Une attitude de « Ce que je suis capable de faire pogne, alors, pourquoi ne pas le faire encore une fois » ne peut qu’être mortelle pour la scène locale. Omnikrom s’inspirant de TTC aurait pu emprunter ailleurs pour rafraîchir ici, mais l’idée n’est pas très loin de la vague Atach Tatuq, Lez Majesté, 2e monde & Supercharger, déjà en vogue bien avant.
Un style à succès est un style relatif
Ceux qui cherchent la recette du succès ont oublié de regarder le « deuxième degré » de cette recette. Si Sans Pression, Muzion, Rainmen, King, Connaisseur et même 83 sont allés chercher un certain succès (relatif, mais énorme comparé à la moyenne d’aujourd’hui), ce n’est pas tant par le style de leur rap en lui-même, mais surtout parce que ce style était complètement original par rapport au contexte dans lequel il sortait. Aujourd’hui, ils sont des classiques, mais ça ne veut pas dire que leur style doit être un modèle.
Au fond, c’est si facile de conserver le statut quo. Tellement facile que les artistes hip-hop québécois ne s’en sortent pas.
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