Pour la pureté des concepts théoriques

Il faut que j’explique ce que j’entends en disant que je prône la pureté des concepts théoriques, car ça ne signifie pas pour moi que ce soit dans une logique binaire; que, par exemple, il y ait une catégorie « Horreur » et qu’on puisse avec certitude dire quelque chose y entre. Je suis dans l’idée que, si on crée un concept, il vaut mieux le conceptualiser de sorte qu’il entre dans une définition claire et sans équivoque. À savoir si le monde réel entre dans notre concept, c’est une autre histoire. Mais tant qu’à créer un concept théorique, autant s’assurer qu’il a une définition qui fonctionne en elle-même, que le concept soit une chose « par définition ».

Les choses « par définition »

Un exemple précis: pour le cours Cinéma, littérature et médias, donné par Silvestra Mariniello, nous avions comme premier travail à dire si un événement, selon une définition précise, était « représentable ». Il aurait été vain de dire « ça dépend, les choses ne sont pas si claires, c’est selon chaque événement ». Puisque le concept théorique « événement » n’existe pas dans la nature, à quoi ça sert de cultiver une ambiguïté? L’événement, par définition, n’est pas représentable. À savoir si l’événement théorique existe dans la vraie vie, hors des concepts théoriques, c’est une autre chose.

L’exemple de Todorov et des genres théoriques : la « pureté » théorique n’implique pas la distance d’avec la réalité

Todorov, dans sa conception des genres littéraires, proposait un modèle qui distinguait les genres théoriques des genres historiques. Le premier est une classification qui repose sur l’analyse a posteriori des œuvres littéraires, suivant une cohérence, tandis que le second type de genres tient compte de la manière dont on a appelé les œuvres dans leur contexte de réception initial.

Le problème avec cette conception, c’est qu’il faut réfléchir à la fonction des genres théoriques. À quoi ça sert, en effet, de créer des concepts de « genres théoriques » s’ils ne servent pas à l’analyse de genre. Si le genre théorique correspond à des critères de cohérence, c’est-à-dire à des liens observables entre des œuvres, ne fonctionne-t-il pas sous un principe tautologique de distinction? Autrement dit, tout film qui contient principalement de l’humour est une comédie, et toute comédie contient principalement de l’humour. Dans ces circonstances, à quoi sert le genre théorique? Quelqu’un connaissant davantage Todorov que moi pourra peut-être faire avancer la discussion là-dessus.

Conclusion: la pureté des concepts fonctionnels?

Au final, il me semble essentiel que, lorsqu’on veut définir nos concepts « théoriques », on les décrive sans équivoque, sans laisser d’ambiguïté quant à ce à quoi on fait référence, que cette idée abstraite puisse exister ou non dans la réalité. Par exemple, la justice est une idée qu’on est capable de conceptualiser, sans toutefois qu’on puisse toujours discriminer ce qui est juste et ce qui ne l’est pas dans la vraie vie. Par contre, il me semble essentiel de ne pas « sur-conceptualiser », c’est-à-dire créer des concepts sans être capable de leur trouver une fonction. Ça peut être utile, oui, de conceptualiser les choses sans nécessairement en avoir une idée claire immédiate; il me semble par contre que de s’embourber dans trop de concepts peut au contraire nous faire perdre de vue ce à quoi on veut réellement réfléchir.

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Commentaires

Une réponse à “Pour la pureté des concepts théoriques”

  1. […] Mais reste que sa conception des concepts théoriques est intéressante : tenir compte d’une certaine “pureté” des concepts, tout en prenant conscience de l’infinité de la réalité qui se faufile entre […]

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