Le concept de stratégies dominantes: deux exemples

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Il existe certains cas où les jeux d’émergence voient leurs possibilités limitées par des stratégies dominantes. Dans un jeu en multi-joueurs, certaines stratégies deviennent si efficaces que, si un joueur l’emploi contre un autre, sa victoire est presque assurée (Rollings et Adams 2003 : 21). Andrew Rollings et Ernest Adams donnent l’exemple de Warcraft: Orcs and Humans (1994).

Warcraft : Orcs and Humans (Blizzard Entertainment, 1994)

In the original Warcraft game from Blizzard Entertainment, the Orc player was almost always guaranteed victory if he was able to produce warlocks […]. Once a warlock was in play, it could be used to create an army of powerful demons. This almost guaranteed a win for the Orc player and was a strategy worth playing, whatever the opposing player did. In fact, we found that the only way to guarantee a fair game in the original Warcraft was to explicitly agree to disallow any magical warfare. (Rollings et Adams 2003 : 247)

Circle of Protection : Blue (Magic : The Gathering)

Une malchance — certains diront un mauvais design — pourrait limiter grandement les possibilités que le jeu offre, entraînant toujours les mêmes situations déplaisantes.

Sans dire que son utilisation ferait gagner à tout coup, c’est la puissance trop grande des cartes « Circle of Protection » du jeu Magic : The Gathering (Richard Garfield, 1993) qui a rendue interdite leur utilisation dans les tournois. Dans le cas des jeux électroniques, ce sont les « patchs » qui sont venues « patcher » les trous dans les éléments indésirables pour les concepteurs (ou plutôt les propriétaires).

Il est par contre intéressant (et nécessaire de se rappeler) qu’il n’y a pas que la pratique « prévue » qui soit légitime (ou, en tout cas, qui soit utilisée). Même si les stratégies dominantes limitent les possibilités de jeux, elles existent et certains y prennent plaisir. Elles sont l’une des possibilités de l’émergence, et mettent en évidence qu’un jeu prend différentes avenues imprévisibles lorsqu’on y joue.

(Parenthèse: le jeu Magic : The Gathering est assez complexe pour éditer des règles complètes qui « ne sont pas conçues pour être lues dans leur intégralité » (Règles de Magic: The Gathering)).

(Parenthèse 2: Ça y est, je suis officiellement geek, j’ai fait référence à Magic : The Gathering sur mon blogue.)

Références

Rollings, Andrew et Ernest Adams. 2003. Andrew Rollings and Ernest Adams on Game Design. Indianapolis : New Riders Publishing. 621 p.


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4 réponses à “Le concept de stratégies dominantes: deux exemples”

  1. Avatar de Dominic

    J'ai une compréhension légèrement différente de la stratégie dominante. En fait, il s'agit d'une stratégie si efficace qu'un joueur "sérieux" (qui désire optimiser ses chances de victoire, sans préférences personnelles ou critères esthétiques quelconques) doit nécessairement se rabattre sur elle puisqu'elle invalide les autres. Si je me fie à l'extrait d'Adams & Rollings, ils semblent dire qu'en fait, le problème est que le joueur Orc doit à tout coup utiliser la stratégie des Daemons puisqu'elle est supérieure à toute autre stratégie envisageable (summon scorpions, masses de spearmen, wolf riders et catapultes, etc.). Une stratégie dominante, c'est donc la réduction de l'espace stratégique puisqu'il n'y a alors aucune raison d'employer d'autres stratégies. Ce qui, dans un jeu symétrique, entraîne l'effet que chaque joueur doit l'utiliser pour avoir des chances égales de gagner; mais dans un jeu asymétrique (comme Warcraft), le résultat est que le joueur est limité dans ses propres stratégies. D'ailleurs, je ne pense pas me rappeler, comme Adams et Rollings l'insinuent, que le Daemon rend les Orcs si surpuissants comparativement aux humains. Le Water Elemental dont ils disposent est légèrement plus faible, mais s'avère être une unité défensive beaucoup plus puissante (grâce à sa portée de 3 cases) qui peut, en nombre suffisant, repousser toute vague de Daemons.

  2. Avatar de Simon Dor

    La distinction serait sur le point que tout joueur « sérieux » le fait ou non. Je ne sais pas… car les joueurs veulent trouver un certain plaisir la plupart du temps, qu’ils n’ont pas nécessairement avec les stratégies dominantes.

    Leur exemple initial est le « Tank Rush » de Command and Conquer: Red Alert. Ils donnent d’autres exemples, dont celui de Warcraft, et ils spécifient que « the Orc player was almost always guaranteed victory if he was able to produce warlocks ». Quant à savoir s’ils ont raison que ce soit vraiment une stratégie dominante, c’est autre chose, mais admettons que les Orcs gagnaient tout le temps avec ça, ce serait une stratégie dominante.

    Les stratégies dominantes s’appliquent davantage aux jeux moins « complexes », c’est-à-dire où y’a moins de variables à tenir en compte.

    Comme ils le disent, les stratégies dominantes et les stratégies « très fortes » sont difficiles à distinguer, c’est plus pour mieux expliquer comment une légère différence dans les chiffres peut déraper dans le jeu. Comme ils s’adressent à des designers, je crois que leur idée est juste de faire prendre conscience au designer que l’émergence peut entraîner des résultats décevants et très limitatifs quand aux actions réellement utilisées par les joueurs, et que, la plupart du temps, le designer ne veut pas ça.

  3. […] d’ailleurs Dominic Arsenault d’être allé en ce sens dans certains billets, en remettant en question mon idée des “stratégies dominantes” et de l’intentionnalisme. Il est fort à parier que je vais répondre aux commentaires – et […]

  4. […] de stratégie n’impliquent pas “une” seule stratégie gagnante, au contraire, une “stratégie dominante” est souvent vue comme un aspect négatif. Donc, ce type de réflexion a de la difficulté à tenir la route: En ce sens, les produits […]

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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


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