Désolé de n’intervenir que très peu dans les dernières semaines, je me suis peut-être trop engagé dans mes emplois, ne me laissant que peu de temps pour moi-même et même pour ma fin de session. Voici un aperçu de ce qui me tracasse en ce moment.
Je lis quelques textes qui s’interrogent sur la question de l’idéologie et des jeux vidéo, dont un article de Tony Fortin, au titre explicite « L’idéologie des jeux vidéo ». Après avoir dit que les jeux de tirs subjectifs exploitaient une sorte d’« idéal du moi », il ajoute:
Quant à la vue de dessus, omnisciente et inhérente aux jeux de stratégie ou de gestion, elle exploite généralement une forme de mégalomanie (Fortin 2004, p. 55).
Évidemment, cette prise de position m’intrigue. Par ailleurs, pour lui, la division du travail des unités dans les jeux de stratégies montre une forme de taylorisme. Difficile d’argumenter contre cela (au sens littéral – même s’il y a une pointe d’ironie -, car, du point de vue de la représentation diégétique, il n’a pas tort…). Il ajoute, plus loin :
Le joueur semble conditionné à des tâches répétitives, maillons de « la » stratégie gagnante, celle qui conduit à élaborer « la » chaîne de production la plus efficiente. C’est en fait là que réside l’intérêt du jeu (p. 58).
Par contre, ici, son argumentation est clairement déficiente. D’abord, comme on l’a expliqué ailleurs (c’est un « on » qui inclut aussi des commentaires de blogues), la plupart des jeux de stratégie n’impliquent pas « une » seule stratégie gagnante, au contraire, une « stratégie dominante » est souvent vue comme un aspect négatif. Donc, ce type de réflexion a de la difficulté à tenir la route:
En ce sens, les produits consommés par les jeunes de milieux populaires – en l’occurrence, les jeux d’action relatifs aux consoles – les conditionneraient à des tâches répétitives et aliénantes qui les conforteraient dans leur position sociale de « dominés » (p. 48)
C’est assez évident quand les auteurs ne connaissent pas les jeux dont ils parlent. En collaboration avec Laurent Trémel, dans un article de 2005 (Fortin et Trémel 2005), ils parlent de Warcraft III, en disant que le « joueur n’est plus une abstraction omnipotente mais un héros intégré dans la structure de l’unité sociale » (2005, p. 124). Il ne savait pas qu’on pouvait avoir plusieurs héros simultanément dans Warcraft III, où notre point de vue reste « omnipotent ». Contrairement à ce qu’ils entendent, non, la partie ne se termine pas lorsque le héros meurt, au contraire, ce dernier peut être ressuscité.
Bref, ce type de discours me semble fort convaincant (fort convaincu en tout cas) pour un lecteur qui ne connaît pas les jeux dont on parle. Que de temps perdu (mais qui fait au moins l’objet d’un travail de session) à réfuter ce type de textes.
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