La règle du jeu et le pied de la lettre

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La plupart du temps, décrire un jeu ne se résume pas à en décrire ses règles. La notion même de règle devient complexe, telle que le résume Linda Hughes : « Understanding the rules, at least as we normally describe them, cannot be equated with understanding the event » ([1983] 2006, p. 505). La notion événementielle du jeu est un élément à prendre en considération. Si on devait affirmer qu’un jeu équivaut à ses règles, il faudrait revoir cette notion : équivalent-elles aux règles qui précèdent le jeu ou plutôt aux règles qu’on peut comprendre à partir d’une séance de jeu? Hughes propose de faire une distinction entre les « game rules » et les « gaming rules », en se basant sur une différence de termes que nous n’avons pas en français.

Afin d’expliquer l’ambiguïté des règles, elle cite un article du Newsweek de 1981, qui lui-même cite Ron Fournier sur le hockey :

referees must have an instinct for which violations to call and which to ignore. They themselves call « good » penalties (flagrant violations […]) and « bad » ones (minor offenses such as hooking a player who doesn’t have the puck late in a tight game). […] You call a guy for a minor infraction, and even though you cite the rule number, he just looks at you and says, « What’s that? » It doesn’t earn you respect […]. One must not only know how the rule book defines and penalizes ‘hooking.’ One must also know that this ‘hook’ is not the same as that ‘hook’ (p. 506-507).

Les règles du jeu, en tant que « game », sont écrites quelque part, sont observables, et il y a relativement moyen de distinguer ce qui en fait partie de ce qui n’en fait pas partie. Les règles de « gaming », règles du jeu en tant que l’action de jouer, sont plus complexes, elles sont pour la plupart implicites, entendues comme des manières pour les joueurs de comprendre leurs propres interactions au sein de la partie, sans toutefois qu’elles ne puissent réellement être écrites sans qu’une part importante du jeu n’en soit écartée.

Le parallèle social et le pied de la lettre

Je crois que le principe est très semblable dans la société. L’histoire de cette dame qui a reçu une amende de 430$ suite à son refus de coopérer face à un policier de Laval qui lui demande de tenir la rampe de l’escalier du métro a eu une couverture importante dans la blogosphère. Pour Louis Préfontaine, il ne devrait pas y avoir de flexibilité dans l’application d’un règlement [update 2024: lien mort]. Cela me fait penser à ceux qui, comme le souligne Feel O’Zof, prennent le dictionnaire au sens littéral.

Si les policiers veulent être respectés, ils doivent comprendre les principes de la société et régir pour les maintenir. La règle ne se comprend pas en tant qu’énoncé dans un livre de loi mais davantage comme un moyen de rendre la société vivable et intéressante pour le plus grand nombre de ses citoyens.

Référence

Hughes, Linda. 2006 (1983). « Beyond the rules of the game : why are rooie rules nice? ». Dans Katie Salen et Eric Zimmerman (dir.). The game design reader : a rules of play anthology, p. 504-516. Cambridge : MIT Press.


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2 réponses à “La règle du jeu et le pied de la lettre”

  1. Avatar de Louis Préfontaine

    Je n’ai jamais dit que le contrat social est plus important que la loi. J’ai dit que la loi EST le contrat social puisque c’est de notre volonté que nous la façonnons. Nuance.

    Pour le reste, bon texte, mais il serait intéressant de franciser les parties dans une langue étrangère.

  2. Avatar de Simon Dor

    Oui, c’est une erreur de ma part, j’avais écrit cela avant que tu écrives ton commentaire, et il semble que ça soit compliqué pour Blogger d’éditer rapidement un texte. La suppression de ce passage est en train de se faire (et probablement que ce commentaire n’apparaîtra pas tant que ça ne se fera pas).

    Oui, en effet, je lis en anglais tout autant qu’en français, et traduire l’ensemble de ce que je cite en anglais pourrait être laborieux. Surtout que, et c’est justement le cas de cet exemple, chaque langue a ses particularités qui entraînent à penser les choses autrement (game/gaming).

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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


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