J’ai passé la dernière fin de semaine à Québec, dans le quartier St-Roch. Par hasard, il s’y déroulait le 10e Carrefour international de théâtre, avec pour thématique Où tu vas quand tu dors en marchant…? Sans appréhension, par un drôle de concours de circonstances, ma blonde et moi avons décidé d’y aller, en débutant à la première de six stations. Les deux heures que dure l’événement, entre 21h et 23h, sont trop courtes pour tout voir.
Chacun son fragment de récit
D’abord, on attend en ligne environ 45 minutes. La première station est composée d’une vingtaine de lits chacun orné d’un ballon blanc lumineux, où sont placés le même nombre de comédiens, habillés de blanc. Dans la file d’attente, on entend des voix qui se superposent : un homme ou une femme qui nous confie un « secret », qui sera répété à quelques reprises. Humoristiques, tristes, étranges…
Quand j’étais petite, je rêvais de déménager, pour être la nouvelle. Encore aujourd’hui, je rêve parfois de partir pour repartir à zéro quelque part où personne ne me connaît.
Je me suis déjà fait surprendre à faire l’amour sur le bord d’un lac, par quelqu’un qui passait en chaloupe. Il s’est mis à nous lancer des roches.
Regarder mon enfant est la seule chose qui diminue mon envie de m’enlever la vie. (je paraphrase)
Un comédien lève son ballon, où on peut lire un mot-clef différent des autres ballons; le nôtre était « spasme ». Nous allons nous asseoir avec lui sur le lit, et il parle. À moins d’un mètre de son visage, il nous raconte une histoire d’un peu moins de dix minutes : comment il a peur de sa propre imprévisibilité, comment il a peur, tellement le quotidien peut être meublé de gens imbéciles, d’exploser, d’un jour frapper quelqu’un, un coup de trop peut-être.
Nous comprenons que, fort probablement, chacune des histoires racontées sur chacun des lits est la suite du secret précédemment entendu.
Promenade au pays des merveilles
On se dirige ensuite vers la prochaine station. Une promenade en descendant l’un des escaliers de bois de la ville. Le spectacle se déroule en partie alors que nous croyons être encore dans la file d’attente… donc, on regarde à gauche et à droite, à moins de cinq mètres, les plusieurs très petites scènes, avec un ou deux personnages, qui font un mouvement répétitif lorsque les projecteurs sont sur eux, et restent fixes lorsqu’ils sont dans le noir. Musique étrange au saxophone ou à la scie, comptable qui travaille sur un cercueil entrouvert, où un faux-cadavre vivant aux longs cheveux y est éclairé. La thématique d’Alice au pays des merveilles se révèle avec le « Mange-moi » et « Bois-moi » près de drinks en libre-service. Une table nous présente le Chapelier et le lièvre de Mars, un Humpty Dumpty est perché sur un bloc de pierre, deux jumeaux se chamaillent pour quelque chose au son d’un saxophone. Quelques scènes me sont inconnues : une femme épluche des patates, alors que deux attachées derrière elle tentent de se libérer.
La troisième station explore les sons : des grenouilles se répondent entre elles, des tourne-disques font tourner des verres de vin pour en extraire leur son. Nous avons sauté la quatrième, car la fin approchait, pour passer directement à la cinquième.
La rue St-Joseph était en partie barrée, éclairée par des blacklights posés dans les commerces, fermés ou ouverts. Une contorsionniste fait quelques mouvements dans une automobile, un individu écrit sur la vitre d’un commerce de l’intérieur… Inquiétante étrangeté dans l’ensemble, presque chaque personnage étant mis en parallèle avec un court texte qui donne une touche politique à la manifestation : les statistiques des viols de religieuses par des prêtres se juxtaposent à l’image d’une none habillée légèrement (de l’autre côté de la vitre) et à une musique religieuse qui sort d’une radio d’auto.
Nous avons manqué de peu la sixième station, un spectacle de danse devant l’église. La soirée s’est donc déplacée dans une direction étrange et somnanbulesque.
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