Je me suis acheté récemment une manette de jeu pour PC, inspirée de celle de la PlayStation. Mon intention était notamment de pouvoir jouer à certains jeux qui ne procurent pas la même expérience en émulation. Prenez Super Mario Bros. Essayez de sauter le « gros trou avec deux cents » du 8-1 en coordonnant vos actions sur les touches « D » et « C » du clavier qui tentent vainement d’imiter respectivement le « A » et « B » de la manette du NES. Le plaisir de jouer avec une manette est très difficilement émulable. Le « jeu » implique-t-il son interface physique?
L’avantage de la manette
À un certain endroit, dans Mega Man X (Capcom, 1993), il faut, pour obtenir le « super canon », glisser, sauter pour s’agripper à une petite surface au plafond, puis continuer à sauter en brisant les blocs.
Avec une manette qui n’est pas celle conçue à l’origine pour les jeux de SNES, la difficulté est fort probablement plus élevée. Je me dis peut-être ça parce que je ne suis pas capable d’atteindre le plafond, et que je souhaite améliorer mes compétences, mais en même temps, comment être sûr qu’il ne s’agit pas d’une question d’interface physique?
Que dire des jeux qui sont quasi-impossibles avec un émulateur: comment imiter le Super Scope et jouer à Yoshi’s Safari (Nintendo, 1993)? La meilleure manière de faire, c’est bien sûr de pouvoir déplacer la cible avec la souris. Dans ce cas-ci, le jeu change drastiquement, d’une expérience de salon avec un « bazooka » à l’épaule, à un jeu de clic rapide, semblable à un jeu flash sur le net.
Il y a aussi une question d’habitude : si je joue constamment à StarCraft sur mon PC fixe, m’habituer aux « hotkeys » d’un ordinateur portable devient plus difficile. Dans certains cas – et, comme l’indique Tasteless, StarCraft en particulier -, l’interface matérielle est un outil de jeu, de la même manière qu’un sportif porte une attention particulière à ses accessoires. Perdre cette habitude peut changer les « performances » vidéoludiques.
D’une manière ou d’une autre, on peut s’entendre sur le fait que le matériel physique qui « accompagne » un jeu en est en fait une partie constitutive.
Le point de vue du chercheur
Pour un chercheur en étude du jeu vidéo, il faut comprendre la matérialité du médium, tel que le notent Perron et Wolf dans l’introduction à leur Video Game Theory Reader 2:
For example, many arcade games and home video games use NTSC video cathode-ray tubes, which differ from computer monitors due to differences in pixel aspect ratios, color reproduction, sound, and so forth. […] Thus, specific hardware is often necessary for a game to be accurately represented in its original form (Perron et Wolf 2008, p. 12).
Étudier un jeu sans comprendre qu’il vient à l’origine d’une certaine console peut nous faire perdre de vue certains aspects.
Quelques perspectives pour l’interface physique
Recycler l’interface physique
Afin d’aller plus loin dans l’émulation, il existe des « ports rétros« . Autrement dit, pour pouvoir aller jusqu’à émuler l’interface physique, on n’a qu’à brancher les manettes dans des adaptateurs, pour les brancher en USB dans l’ordinateur.
Sans interface : un nouveau jeu?
On peut aussi concevoir un aspect « positif » à ce changement d’interface physique. Une interface différente peut fort probablement mener à un autre jeu, différent mais tout aussi riche. C’est vers cette perspective que je parlais d’un deuxième type de lecture avec l’émulation d’Ogre Battle.
Images tirées de : http://www.snes-fr.com/rom_supernintendo_12980_yoshis-safari.html.
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