Confiance et scepticisme : envers la discipline et envers la personne

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La science repose en bonne partie sur la confiance. Si, théoriquement, les expériences scientifiques doivent être répétables pour être jugées pertinentes, dans les faits, il est très difficile de tester toutes les prémisses scientifiques sur lesquelles on se base, particulièrement lorsqu’elles impliquent des sujets humains (et particulièrement en sciences humaines). Imaginons donc comment il est difficile de tirer des conclusions d’une étude faite dans un domaine où nous ne sommes pas experts.  Les débats entourant la vaccination contre le virus A(H1N1) m’ont rappelé qu’il y a un nombre de personnes qui, en quelque sorte au nom d’un certain scepticisme, croient en des complots.

Il y a il me semble deux cibles envers lesquelles on peut porter notre confiance ou notre scepticisme. Voyons-le (sans aucune prétention sur les autres disciplines que la mienne) avec trois exemples qui me semblent complémentaires.

Prédire l’avenir

Le problème avec les prédictions n’est pas tant de prouver qu’il est ou non physiquement possible de prédire l’avenir. Je suis prêt à admettre qu’il est possible que des gens aient un don de voyance. Par contre, d’une manière ou d’une autre, il m’est complètement impossible de savoir si la personne en face de moi, à qui j’ai la possibilité de donner de l’argent ou non, possède ce don. Ce n’est qu’après-coup qu’on peut avoir un aperçu de ces dons. Cet élément est d’autant plus un problème que, souvent, la prédiction implique de prendre une certaine décision, et il nous est impossible de savoir ce qui se serait passé si la prédiction n’avait été faite. Comme on ne pourra jamais savoir si Œdipe aurait tué Laïus si ce dernier n’avait pas essayé de contourner la prédiction de l’Oracle de Delphes.

Plusieurs excuses peuvent émerger d’une prédiction qui n’est pas accomplie : «tu as le contrôle sur ce que tu fais au final» étant l’une de celles-là. La discipline ne peut prouver qu’elle est pertinente, et encore moins le «spécialiste». Impossible, donc, de rendre des comptes.

Le marketing

Les experts du marketing sur le net pullulent. Je suis une compagnie, je n’hésite pas à investir en marketing, en visibilité, etc. Le problème est que je me retrouve dans une situation où je dois engager quelqu’un pour me conseiller sur cet aspect, alors que je n’y connais rien. Le conseiller en marketing doit éventuellement rendre des comptes, prouver son efficacité. Rendre des comptes, c’est augmenter les ventes, peu importe le contexte, considérant que celui qui nous évalue n’a pas nécessairement l’expertise pour juger que le marketing en soi était efficace. Par contre, qu’il réussisse ou échoue dans sa tâche ne me fera fort probablement pas remettre en question la pertinence que le marketing est un élément important, il fera simplement remettre en question d’avoir choisi cet individu pour le faire.

La médecine

Les médecins ont la tâche ardue. Chaque médecin ne peut pas répéter le test d’un vaccin pour voir s’il fonctionne, et le démontrer par A+B devant chacun de ses patients. Ils ne peuvent pas nous rendre de compte directement. Le lien de confiance entre nous et un médecin est nécessairement fort pour qu’on accepte son diagnostic, mais on peut l’accepter parce qu’il fait partie d’un ordre, qui lui fait confiance d’abord parce qu’une université lui a fait confiance en lui remettant un diplôme. Beaucoup repose sur la confiance que les autres médecins ont eu envers lui. Sa compétence est plus ou moins garantie par son désir de ne pas perdre ce lien de confiance. Et lui-même contribue à ce «réseau de confiance» (ici garanti par un ordre, excellente idée) en faisant confiance en ses pairs qui proposent un vaccin contre le virus A(H1N1).

Où je veux en venir, c’est que je ne peux avoir entièrement confiance en la médecine. Mais que, finalement, on a un système scientifique de révision par les pairs  qui, en théorie, devrait nous guider sur en quoi donner notre confiance. On s’éloigne de la source première, mais il faut admettre qu’il est impossible de tout garantir, surtout quand il s’agit de domaines où nous ne sommes pas experts.


À propos de l’auteur


5 réponses à “Confiance et scepticisme : envers la discipline et envers la personne”

  1. Avatar de Astorboi
    Astorboi

    la science n’est qu’un systeme empirique crée par et pour le cerveau humanoide, en premier lieu pour se rassurer, pas pour chercher une quelconque vérité. La vérité est une émotion, la logique non. La logique rassure, les émotions nettement moins, cqfd.

  2. Avatar de Simon Dor

    Si la vérité est une émotion, c’est parce qu’elle rassure, non?

    Par ailleurs, il me semble qu’être rassuré, c’est par définition vivre une émotion. Je ne crois pas qu’il faille diviser les deux. Si on dit que la science ne cherche pas la vérité, je crois que ce n’est pas tant parce que ce n’est pas son objectif, mais plutôt parce qu’on sait que c’est dans les faits impossible de savoir si ce qu’on démontre est réellement vrai; on ne peut que tester les lois scientifiques qu’on crée, qui sont des «habitudes» (au sens de Peirce, je vais fort probablement revenir là-dessus plus loin).

  3. Avatar de astorboy
    astorboy

    Non, ce n’est parce que la vérité est une émotion qu’elle rassure, mais parce qu’on a besoin d’être rassuré qu’on fait de la vérité une émotion, nuance. Souvent la vérité est ce que l’on ne veut ‘pas’ savoir, paradoxalement. La logique confronte bien plus, la vérité réconforte son petit homme, science ou pas à l’appui. Faut de tout pour faire un monde n’est ce pas.

  4. Avatar de Simon Dor

    Oui, fort probablement. Mais on peut pas tout passer par le filtre de la logique, non? Prenons le cas des vaccins: peut-on tous développer l’expertise de juger si le vaccin est pertinent ou non? On doit utiliser notre confiance pour vivre au quotidien, sinon on ne devient plus fonctionnels, parce qu’il y a trop de choses à connaître.

  5. Avatar de astorboy
    astorboy

    Bien je pense que la logique force la réalité a se conformer à elle, c’est son ultime avantage, et si la logique est bonne, on devient plus performants dans ses futurs choix, on progresse, on est fier de soi bref, on tombe pas malade tous les 9 jours, on fait pas chier son monde. Si elle est mauvaise, on est un idiot et on doit réfléchir un peu plus dans son coin comme un grand.
    Pour la question du vaccin c’est très simple je pense : prenez une pièce, pile on se vaccine, face on se vaccine pas. Si dans un an il y a 30 millions de mort c’est très embêtant pour ceux qui ne se sont pas fait vacciner, dans le cas contraire ceux qui l’ont fait sont des abrutis finis qui suivent les recommandations cyniques des multinationales pharma-economiques au grand rire des plus téméraires, la médecine n’etant pas (encore?) une science exacte à ce sujet. Mais du moment on regarde des deux côtés avant de traverser on doit etre safe nan?

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