Je suis toujours très agréablement surpris des propos de David Desjardins du Voir, au point où ce n’est maintenant plus une surprise d’y lire de la pertinence. Voici un extrait de son article « Bonheurs et périls du vide » où Desjardins parle de ce qui fait la réussite d’une chanson. J’aime bien cet extrait, malgré l’emploi du « on », qui ne semble pas ici désigner un « statut général des choses » mais plutôt une expérience singulière ( « une personne précise écoute une chanson et en fait une expérience unique ») qui se reconnaît dans plusieurs autres expériences singulières ( « j’ai un lien privilégié avec une chanson et je peux comprendre que d’autres ont des expériences privilégiées différentes avec la même ou avec d’autres chansons »).
Alors voilà, disons-le: une chanson réussie, c’est de l’alchimie. Ça ne se compte pas en notes. Ni en émotions, autre piège courant des critiques et du public qui tombent pour la facilité des manipulations lacrymales.
Une chanson réussie a une âme, c’est un lieu dans lequel l’artiste nous permet d’habiter pour trois, quatre, cinq minutes. On s’y sent bien ou mal avec lui. Il s’y échange un truc, indicible, un épisode de vie, une manière d’envisager le monde.
La chose relève de la même mystique que lorsqu’on fait l’amour à quelqu’un qu’on aime.
Essayer de décomposer tout cela et d’en faire des statistiques, cela revient à faire des mathématiques avec l’orgasme.
Plusieurs diront que d’étudier l’art, c’est intellectualiser quelque chose qui n’est pas rationnel, c’est mettre des mots sur des émotions et ne pas leur rendre justice. Pour moi, le goût ne s’enseigne pas. L’objectif d’étudier les arts est ailleurs. Il ne faut pas tenter de mettre des mots sur l’indicible en espérant qu’il conserve ce statut.
Laisser un commentaire