Autodéfense intellectuelle et milieu académique

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Normand Baillargeon - Petit guide d'autodéfense intellectuelle

Ma lecture du livre de Normand Baillargeon sur l’autodéfense intellectuelle m’a rappelé évidemment toute l’importance d’avoir un esprit critique et de se questionner sur ce que l’on voit, mais en même temps m’a mis en face de la tâche colossale que cela pouvait représenter à l’échelle d’un individu, particulièrement en ce qui a trait aux médias. Juger de la véracité des faits entourant un événement ou une problématique spécifique est un défi de taille. L’ensemble des moyens que Baillargeon décrit dans son Petit cours d’autodéfense intellectuelle (2005) qui peuvent nous aider à porter un jugement sur un discours est assez fastidieux et ne garantit pas au final que la source d’où on tire l’information soit exempte de failles.

Une méthode plus générale d’autodéfense intellectuelle?

Tout ça m’a mené à réfléchir aux principes actuels en place à l’université comme un moyen d’en venir à un principe collectif d’autodéfense intellectuelle.

Là où il me semble que le milieu universitaire fonctionne pour jouer ce rôle, c’est qu’il peut — probablement dans un monde idéal, mais on peut l’espérer quand même — créer une méthode plus générale basée sur la révision par les pairs. Les publications universitaires sont, avant d’être distribuées, jugées par des chercheurs qui attestent que la méthode de travail fonctionne et que l’auteur du texte a fait une contribution juste à la discipline. Si chaque lecteur reste le juge de ce qu’il reçoit comme information (contrairement à ce que certains hors-université pourraient croire), le « peer-review » est un travail d’équipe qui amène une défense additionnelle contre les menaces « anti-intellectuelles » extérieures comme intérieures. Ça me semble utopique de compter là-dessus, mais c’est je pense l’idéal qui s’incarne dans l’université comme institution : une manière interne d’évaluer son propre travail qui donne un « taux de probabilité de pertinence » un peu plus élevé que le travail intellectuel qui est fait en dehors de ses portes.

Pour résumé, le rôle de l’université en ce sens serait d’évaluer la transparence des articles quant à leur méthode, permettant ainsi à un lecteur de plus facilement juger de la pertinence du contenu.

L’identification des sources

Une méthode comme celle des citations me semble un départ excellent et en phase avec le travail de révision par les pairs : chaque élément compris dans un argumentaire général est identifié, de sorte que le lecteur qui confronte un texte académique peut, théoriquement, retourner à la source de chacun des éléments particuliers s’il les remet en question. S’assurer que cette méthode fonctionne et est correctement appliquée dans un travail universitaire me semble un point de départ fondamental pour toute évaluation par les pairs.

Référence

Normand Baillargeon. 2005. Petit cours d’autodéfense intellectuelle. Montréal: Lux. 344 p.


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À propos de l’auteur


4 réponses à “Autodéfense intellectuelle et milieu académique”

  1. Avatar de Sylvain
    Sylvain

    J’ai récemment eu une discussion avec un ami qui croit que, au contraire, les universités sont affligées par une sorte de sclérose intellectuelle (puisqu’elles constituent un système qui vise à s’auto-perpétuer), que l’avancement intellectuel se produit donc principalement à l’extérieur de ses murs et que, puisque même leurs fonctions d’enseignement et de diffusion de l’information ne sont plus exclusives (Internet), les universités s’effondreront d’ici quelques décennies. Je lui demanderai ses sources pour te les envoyer 😉

    Sinon, pour les médias, je suis d’accord qu’il est très difficile de distinguer celles qui procurent l’information la moins biaisée. Est-ce que la comparaison entre un grand nombre de sources garantit une analyse objective? Pas vraiment, puisque la majorité des sources peuvent être biaisées dans le même sens, ce qui affecte l’« objectivité » inférée depuis la comparaison générale… J’ai tendance à croire que la vérité ne se trouve pas au milieu quantitatif mais bien au milieu qualitatif : c’est-à-dire que je tente de distinguer la moyenne entre les idéologies plutôt que la moyenne entre les médias eux-mêmes. C’est d’autant plus difficile quand, comme au Québec, nous avons très peu de grands médias (de médias ayant assez de ressources pour collecter l’information eux-mêmes).

  2. Avatar de Simon Dor

    Intéressant, même si je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’exemples d’avancement scientifique à l’extérieur de l’université. Peut-être dans les sciences de la nature, dans les départements R&D de grandes compagnies, je ne connais pas trop l’état de ce milieu, mais je ne crois pas que ce soit le cas en sciences humaines.

    Je trouve intéressant (mais faux! ;)) ton concept de « moyenne entre idéologies », parce que le fait qu’une idéologie existe ne fait que tirer la couverte de son bord, elle ne garantie pas une plus grande accession à la vérité.

  3. Avatar de Yvan L.

    Les universités enseignent, c’est leur rôle de transmettre
    des exemples vécus et encore, ça dépend du professeur.
    Les universités ne sont pas les seules dépositaires de la vérité.
    La vie qui respire partout autour de soi est aussi une université
    probablement plus importante encore parce qu’elle vit simplement
    en contact permanent avec les gens qui la composent.

  4. Avatar de Simon Dor

    Oui et non. L’université a le rôle de transmission, mais pas d’exemples vécus, uniquement de la transmission d’une médiation de ces exemples. Si j’étudis en cinéma et que mon prof m’enseigne l’arrivée des ciné-clubs en France et l’arrivée de la cinéphilie, suivre ses cours ne pourra jamais me transmettre l’expérience que fut cette période. En revanche, connaître cette période et vivre une cinéphilie personnelle permet d’en connaître probablement bien davantage. Je ne pense pas que l’université puisse et veuille remplacer l’expérience vécue.

    Par contre, elle se donne le rôle de créer un discours autour des objets culturels. Si je parle de StarCraft dans mon mémoire de maîtrise, je ne prétends pas que le texte que j’écris puisse rendre justice à l’expérience qu’on peut avoir en jouant à ce jeu. Je tente cependant d’en rendre compte d’une certaine manière, de la comparer à d’autres expériences semblables, etc. en utilisant des concepts. Avec le plus de bonne foi possible.

    Ma réflexion, finalement, tournait autour de l’idée de rendre clair le cheminement entre la conceptualisation d’une chose et l’expérience de cette chose en soi. Parce qu’on ne peut pas tout expérimenter mais qu’on veut parfois pouvoir en lire des discours.

    Si tu conceptualises ton expérience quotidienne, ce n’est pas parce que la vie est une université, c’est toi qui l’est 🙂

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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


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