Je veux traiter brièvement de deux choses ici. Je m’ennuie de traiter brièvement de choses. Bref, Patrick Lagacé propose une réflexion sur la culture dans sa dernière chronique, réflexion qui m’a inspiré ces deux choses.
Un manque de culture(s)
Lagacé parle d’un malaise qu’il a eu alors qu’il s’adressait à une classe de philosophie au Cégep et qu’il évoquait le conte Les habits neufs de l’empereur d’Hans Christian Andersen. Je ne le connaissais pas de nom mais de réputation: c’est l’histoire du roi nu qui pavane devant ses sujets et qui affirme que ses habits sont invisibles aux imbéciles.
Je suis revenu à Montréal en traînant le malaise qui m’affligeait depuis que j’avais quitté la classe: voici 25 cégépiens qui, en 2010, ne connaissent pas un conte simple, divertissant et éloquent sur le pouvoir et la manipulation. On ne parle pas, ici, d’une légende ouïgoure transmise par tradition orale. On parle d’un conte si connu que la phrase «le roi est nu», qui n’est pas dans la version originale du conte, s’est infiltrée dans la culture populaire pour désigner une sorte de vérité que personne n’ose nommer.
Je suis souvent étonné en effet de voir que les gens de ma génération et plus jeunes ne connaissent pas plusieurs éléments de culture que les générations précédentes connaissent. Ce qui m’étonne des générations précédentes, c’est qu’elles ne voient généralement pas que les jeunes ont une culture que les premiers n’ont pas: jeux vidéo, musique populaire, etc. Je suis toujours étonné quand je parle de StarCraft qu’il y ait autant de gens qui ne savent absolument pas comment on y joue. Une culture est-elle « meilleure » qu’une autre?
Je suis de plus en plus convaincu qu’en essayant de ne pas dévaloriser d’éléments culturels vis-à-vis d’autres, on en arriverait à susciter la curiosité des gens (ici les jeunes).
Idée et opinion
Une partie du texte a fait un rappel direct à des discussions que j’avais avec mon frère récemment. Pour lui, il n’y a pas, formellement, de différence entre une idée et une opinion. Je lui disais que je voyais souvent, dans les travaux d’étudiants, des opinions ressurgir, un « retour du refoulé », comme s’ils n’étaient pas capables de s’en tenir à rapporter des faits (par exemple, de résumés de textes). Ce qui n’empêche pas qu’ils puissent avoir des idées, qu’ils puissent penser.
Ces élèves, ce sont des enfants de la réforme. Ce que je reproche à la réforme, c’est l’approche collective. On se met en groupe, on lève la main, on intervient. C’est de l’opinion, faut que ça sorte! Mais en philo, au collégial, l’opinion n’existe pas. C’est l’argumentation qui compte. On les ramène à eux. Ils ne peuvent pas réagir à l’opinion du voisin (Rémi Robert cité dans le texte de Lagacé).
Pour mon frère, ne faire que des résumés de textes implique qu’on est pris dans un moule, que notre pensée ne fait que se formatter dans une discipline préexistante. Comme si on ne pouvait pas penser par soi-même (et pour soi-même, littéralement) malgré tout. Comme s’il fallait que les textes qu’on écrive à l’université (ou au cégep dans le cas qui intéresse Rémi Robert) soient des espaces pour donner son opinion. Réfléchir implique aussi de se confronter à des faits, de les faire dialoguer entre eux. Quelque chose qui prétend être de la science (en l’occurrence, l’ensemble de ce qui s’enseigne à l’université) n’est pas une question d’opinion.
J’ai l’impression d’avoir trouvé le degré zéro de la plupart des débats entre mon frère et moi.
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