Je paraphrase l’expression de Michelle Blanc à propos du blogue dans un contexte d’affaires, alors qu’il y a déjà plusieurs mois (probablement depuis la pause que j’ai prise cet été) que je veux réfléchir à quelques particularités du blogue dans le contexte académique. Des sites comme Academia.edu existent pour créer une relation de type « réseaux sociaux » avec des universitaires, mais le blogue me semble être plus difficile parce qu’il apparaît comme un oxymore en soi vis-à-vis du travail académique en général. Son format souvent de type « chronique » laisse croire qu’il pourrait ou devrait être soutenu et complet, mais ses publications habituellement rapides et plus ou moins rythmées ne concordent pas avec les objectifs de recherche.
Évidemment, il n’est pas vraiment possible de publier à un rythme régulier des articles avec un contenu académique. De la même manière, il n’est pas possible d’espérer des réponses de la part d’universitaires avec un contenu tout aussi rigoureux et fouillé. Réfléchir et chercher prend du temps, et le classement par ordre chronologique inversé des blogues favorise davantage l’échange sur les derniers sujets traités plutôt que sur ceux vis-à-vis desquels on a eu le plus de temps de réflexion.
Par contre, je suis très heureux que certains de mes collègues fassent des remarques sur ce que j’ai dit sur mon blogue, que ce soit en commentaires ou lorsqu’on se croise. C’est déjà un bon pas. Mais je constate qu’un certain dialogue s’est entamé avec d’autres universitaires qui ont aussi leurs blogues et que ce dialogue, différent de celui dans le monde académique traditionnel, est tout aussi enrichissant.
Intérêts en parallèle
Gabriel, auteur du blogue Je devrais écrire que j’ai ajouté récemment dans ma blogoliste, m’a cité deux fois dans la dernière semaine. Je découvre avec enthousiasme que les réflexions que j’ai ici se font en parallèle à ce que d’autres pensent, qu’elles sont « dans l’air du temps ».
D’un côté, il ajoute à la discussion sur l’idée de richesse culturelle développée à la base par Joseph Facal, en décrivant son appréhension de l’Europe comme un espace où la réflexion intellectuelle est davantage bien vue qu’ici. De l’autre côté, il cite une partie de mon billet sur l’introduction, en mettant en évidence ce fossé entre deuxconceptions par rapport à la théorie ou aux disciplines universitaires. Ces deux sujets avec lesquels mes billets de blogue concordent s’inscrivent notamment dans sa réflexion sur « les vraies affaires et le gros bon sens« , réflexion que je trouve particulièrement intéressante mais qui n’était pas du tout la base de ce qui m’a poussé à traiter ces sujets — l’un était lié à l’idée de culture que je développais ailleurs, l’autre, sur les commentaires de correction.
Je constate au final que ses intérêts pour les sujets ne redoublent pas du tout mes intérêts pour les mêmes sujets. Mais nos deux réflexions en parallèle peuvent quand même dialoguer lorsqu’elles sont sur le web. D’où la possibilité qu’il y ait une manière de réfléchir avec le blogue, sans renier l’idée initiale que réfléchir prend du temps.
Deux utilisations du blogue académique
Parmi les blogues dont les auteurs sont à l’intérieur des murs de l’université que je lis, je constate deux utilisations différentes de la même plate-forme.
Bloguer comme extension du travail académique
Des auteurs comme David Bordwell et Kristin Thompson bloguent notamment pour faire une extension de leurs livres déjà parus. Sachant par exemple que Film Art: An Introduction sert souvent aux cours de langage du cinéma à l’université, les auteurs proposent une fois par année une liste de leurs billets de blogue publiés qui peuvent venir complémenter leurs travaux publiés, pour que les chargés de cours qui les lisent puissent proposer une diversité de contenu à leurs étudiants.
Bloguer comme œuvre parallèle
Comme le blogue est souvent un outil littéraire, certains auteurs, comme Amélie Paquet et Bertrand Gervais, utilisent leur blogue comme une œuvre parallèle. Sans dire que leur pratique de blogue ne vient pas nourrir leurs réflexions universitaires — ce serait dire que mon expérience de joueur ne nourrit pas ma réflexion sur les jeux —, leur pratique n’y est pas académique, elle est plutôt littéraire. Paquet vient même nous « confier » qu’elle nous dit des choses qu’elle ne dirait pas dans son cours. Le contexte n’y est pas le même, l’objectif d’un cours n’est pas le même que celui d’un blogue, et plutôt que de recouper le travail académique, certains auteurs préfèrent pousser la réflexion avec des outils différents. On peut penser que, de la même manière, des professeurs d’université en études cinématographiques — comme Olivier Asselin — puissent réaliser des films pour y trouver un terreau de réflexion de nature différente.
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