Dans la lignée de mes commentaires de rédaction, je parlerai ici de l’idée du point de vue téléologique.
Dans un travail de recherche, il faut éviter de soutenir un point de vue téléologique, c’est-à-dire — notamment — un point de vue qui regarde l’histoire comme si elle se dirigeait vers une finalité précise. À discuter de cela avec quelques membres de ma famille à Noël cette année (oui, nous avons des sujets de discussion étranges), on constatait qu’il y avait plusieurs tournures de phrases qui trahissent ce point de vue.
Disons que je parle de la technologie dans les jeux vidéo. Je pourrais dire, dans le langage familier, que les jeux vidéo d’aujourd’hui sont plus évolués que les jeux vidéo des années 80. Que les jeux vidéo de demain seront « encore meilleurs ». Ce serait téléologique, dans la mesure où ça impliquerait que leur évolution soit prédéfinie, que le temps mène nécessairement vers une certaine amélioration, vers une direction précise. Plusieurs formules rendent le tout problématique et laissent transparaître leur regard rétrospectif.
Deux exemples: les jeux sociaux et le cinéma des premiers temps
Jusqu’à un certain point, l’historiogramme de Jon Radoff (relayé chez Jesper Juul) qui illustre l’histoire des jeux sociaux est une belle illustration du possible biais de cette conception: tout ce qui précède mènerait vers les jeux sociaux en réseau (« Social Network Games »), alors que, dans les faits, on peut penser à nombre d’exemples qui ne font pas partie de son historiogramme parce qu’ils ne passent pas le « filtre » de la finalité qu’il présuppose (même s’il y a quand même Axis & Allies et Pai Gow qui brisent la chaîne).
Des expressions qui connotent une notion d’évolution ou d’archaïsme sont parfois le signe d’un point de vue téléologique implicite. On peut penser, par exemple, au terme « cinéma des premiers temps », qu’André Gaudreault semble vouloir repenser vraisemblablement pour cette raison. Déjà, passer de « cinéma primitif » à « cinéma des premiers temps » était un pas de géant pour s’éloigner d’une conception téléologique, où le cinéma aurait atteint sa véritable « essence » ou son « aboutissement » avec le parlant et la couleur (et, ce qu’on entend parfois aujourd’hui, le cinéma 3-D).
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