L’expression « le spectateur »: compréhension et généralisation

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Dans la lignée de mes commentaires de rédaction, une courte remarque aujourd’hui.

Je lis souvent l’expression « le spectateur » ou « les spectateurs ». Elle renvoie théoriquement à une personne théorique qui regarde le film. Mais, souvent, je la vois employée d’une manière condescendante. Voici deux exemples de son utilisation:

  • « Ici, le spectateur en sait moins que le personnage: il se demande pourquoi Jack accepte le colis que lui remet l’enquêteur corrompu »;
  • « Le spectateur accepte sans contester des histoires qui reprennent toujours la même structure narrative ».

La différence entre les deux emplois est de taille.

Dans le premier cas, il s’agit d’une manière de comprendre l’activité que le film permet. Souvent, on emploi l’expression « le spectateur » pour décrire l’activité en temps réel, par rapport aux éléments qu’on comprend a posteriori. Jack accepte le colis que lui remet l’enquêteur corrompu parce qu’il y a des fausses preuves qui incrimineront quelqu’un d’autre. Mais, dans cette scène, le spectateur ne sait pas pourquoi Jack accepte le colis, parce que nous ne le savons pas encore. C’est un nous: tout ceux qui regardent le film, ou la très forte majorité du spectateur typique (évidemment, celui qui s’endort ou qui embrasse sa blonde n’est pas impliqué, celui qui regarde un film dans une langue qu’il ne comprend pas non plus, etc., mais ceux-ci ne peuvent pas vraiment être appelés spectateurs).

Dans le second cas, il s’agit d’une généralisation par rapport à (une certaine conception de) la moyenne des spectateurs. C’est une manière condescendante de voir les spectateurs, une manière de se placer comme expert au-dessus d’eux, parfois même pour les infantiliser (« il est de notre devoir de rendre les films clairs pour ne pas confondre le spectateur »). La plupart du temps, pour cet usage, le pluriel est favorisé, ce qui nous permet au moins de comprendre qu’il s’agit d’une généralisation malhabile, mais ce n’est pas toujours le cas.

En général, le travail d’un chercheur en cinéma est fait à partir de sa propre expérience de spectateur. Le terme « le spectateur », ainsi, devrait aussi comprendre le chercheur lui-même.


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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