The Perks of Being a Wallflower et l’attention dirigée

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Je dois confesser quelque chose: je suis souvent intimidé à parler de films. J’ai l’impression qu’il y a un élitisme par rapport au cinéma, comme s’il y avait une bonne cinéphilie et qu’un certain nombre de films n’étaient tout simplement pas dignes d’intérêt. En allant voir The Perks of Being a Wallflower (Stephen Chbosky, 2012) en fin de semaine, je renouais avec un plaisir cinéphilique auquel je n’avais pas goûté depuis longtemps, celui très simple d’aller au cinéma. Disons qu’avoir un enfant minimise les sorties possibles et le téléviseur remplace souvent la projection. Je me suis rappelé en sortant à quel point aller voir un film était toujours une expérience plus marquante.

Là, j’ai envie de parler d’un film. Spoilers.

Une bande-annonce nécessairement peu représentative

La bande-annonce de The Perks of Being a Wallflower semble présenter un film d’ados assez typique, portant sur les difficiles relations interpersonnelles d’une bande d’amis.

Le problème, c’est qu’elle devait en quelque sorte masquer l’intérêt du film, parce que si cet intérêt était dévoilé dès le début, le thème principal aurait été en quelque sorte moins puissant, moins frappant.

C’est que, tout au long du film, le personnage de Charlie apparaît comme quelqu’un de relativement normal, timide, peu extravagant bien qu’étant rejeté. Rapidement, il se fait quelques amis qui deviennent les personnages principaux. On apprend que son meilleur ami s’est suicidé. Quelques images de son passé, dont sa tante décédée dans un accident d’auto. Mais tranquillement, les enjeux deviennent plus typiques des films d’ados: il tombe amoureux d’une fille qui en aime un autre, se retrouve lui aussi à fréquenter quelqu’un d’autre un peu par dépit. C’est que, tranquillement, s’installe la normalité des interactions entre chacun des personnages. Quelques éléments viennent troubler le portrait: sa soeur se fait battre par son chum, son amie lui avoue avoir été violée, son ami fréquente un gars qui refoule son homosexualité et qui le reniera.

Mais quelque chose de troublant resurgit vers la fin, troublant non pas tant en lui-même que troublant parce qu’on l’avait en quelque part ignoré tout au long du film. Ce qu’on n’avait oublié, c’est pourquoi Charlie avait passé tout l’été sans fréquenter personne, pourquoi il faisait un retour à l’école.

Normalité et maladie mentale

Le refoulé finit par ressortir: Charlie a été violé par sa tante et cultive un sentiment de culpabilité par rapport à sa mort. Son absence s’expliquait par son internement dans un asile psychiatrique. La psychiatre lui rappelle qu’il dramatise les problèmes des autres, qui au fond finissent par bien s’en sortir, alors qu’il minimise le sien, ce qui était exactement la position du spectateur. Parce qu’on focalise sur la perspective de Charlie, notre attention est dirigée vers les problèmes typiques de l’adolescence, par la normalité qui existe au sein d’une communauté à laquelle on s’identifie. Mais au fond, il y avait des pistes qui nous proposaient dès le départ de s’intéresser à la situation de Charlie, le rapport avec sa tante ayant été effleuré mais jamais approfondi.

Lorsqu’un retour à la normale s’effectue en épilogue, le regard des autres personnages a changé, mais le nôtre aussi. La force de ce film, c’est de mettre en évidence comment le quotidien vient parfois troubler notre regard en dramatisant ce qui, finalement, apparaît comme moins dramatique. Avoir su d’avance le retournement de situation, l’effet de quotidien ou de normal n’aurait pas été aussi puissant.


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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