Wittgenstein et le concept de « jeu »

|

|

Récemment, sur son blogue The Ludologist, Jesper Juul proposait de revisiter la fameuse citation de Ludwig Wittgenstein à propos du concept de jeu. Pour résumer, Wittgenstein affirme qu’il n’y a pas de point commun à tout ce qu’on appelle « jeu », mais qu’entre chaque jeu, il y a des ressemblances de famille qui nous permettent de les regrouper dans un ensemble. Il est donc d’usage en game studies de considérer que Wittgenstein, avec cette proposition, suggère qu’on ne peut définir un concept avec précision.

Or, il me semble qu’en général, on ne cerne pas tout à fait exactement la proposition de Wittgenstein qui, comme Juul le disait, parle davantage du langage que des jeux. (Je traduis quasi-textuellement ma réponse à son billet ici.) Je ne crois pas que Wittgenstein disait que les jeux sont indéfinissables — c’est-à-dire, qu’il ne faudrait pas chercher à en faire une définition. Je crois plutôt qu’il affirme que la plupart des concepts que nous utilisons dans la vie quotidienne ne sont pas définis lorsque nous les utilisons. Lorsque nous lisons un texte (non-académique) qui utilise le terme « jeu » (ou « jouer » ou « jeu vidéo », etc.), il n’est pas explicitement défini et peut signifier différentes choses qui n’ont pas nécessairement quelque chose en commun autre qu’une ressemblance de famille; et c’est ainsi que le langage fonctionne. Pour plusieurs concepts, il y aura toujours des cas limites, mais le concept est quand même fonctionnel dans l’usage commun.

Je n’avais pas autre chose qu’une intuition sur ma compréhension de Wittgenstein pour étayer cette réponse. Mais j’ai récemment retrouvé une citation que j’avais lue et utilisée il y a déjà quelques années et qui me semble bien illustrer mon idée:

Je peux en effet donner ainsi au concept de « nombre » des limites strictes, c’est-à-dire employer le mot « nombre » pour désigner un concept strictement délimité, mais je peux également employer ce mot de façon à ce que l’extension du concept ne soit pas circonscrite par une limite. Et c’est bel et bien ainsi que nous employons le mot « jeu » (Wittgenstein 2004, p. 65).

J’ai vraiment envie de travailler cette idée de Wittgenstein pour quelque part le réhabiliter en études des jeux vidéo. Cette citation en est vraisemblablement un début intéressant.

Références

Ludwig Wittgenstein. 2004. Recherches philosophiques. Paris : Gallimard.


Partager cet article sur:


En lire plus sur…

À propos de l’auteur

S’abonner aux nouveaux articles du blogue


Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


Derniers articles


Derniers commentaires


Catégories


Blogroll