Micro-gestion et macro-gestion dans les jeux de stratégie en temps réel

|

|

,
Cet article est un extrait adapté de mon mémoire de maîtrise (cf. 2.3.2, p. 46-50).

La macro-gestion et la micro-gestion (ou macro/micro) sont des termes qui s’appliquent aux actions d’un joueur de jeux de stratégie en temps réel selon leur portée ou leur échelle. Ce sont deux aspects du jeu que le joueur doit gérer en même temps. J’emprunte la définition de macro-gestion et micro-gestion à la version actuelle de l’article électronique « Micro and Macro » sur le Liquipedia de TeamLiquid.

Micro-gestion

D’un côté, il y a la micro-gestion, qui est définie en deux mots par Chill (2007) : « Unit control ». Il s’agit essentiellement de positionner et contrôler ses unités pour optimiser le résultat d’un combat. La règle de base à ce niveau est de garder le plus d’unités possibles en vie (« Micro and Macro »). Par exemple, le joueur peut alterner le mouvement de recul et l’attaque avec ses Dragoons, de sorte qu’ils tirent des unités à distance en réduisant les pertes dans leurs rangs. Il peut concentrer les tirs sur une seule cible à la fois pour maximiser les pertes ennemies. La micro-gestion concerne aussi la manière d’engager le combat, notamment en dirigeant ses armées pour attaquer les flancs. Certaines unités comme les High Templars ont des habiletés spéciales qui nécessitent de la micro-gestion. Par exemple, pour lancer un Psionic Storm, le joueur doit effectuer un clic sur le High Templar qui lancera le sort, un clic sur le bouton « Psionic Storm » (ou le raccourci clavier correspondant, T) et un clic sur la zone ciblée.

L’importance de la micro-gestion est une des caractéristiques particulières de StarCraft (Saggeran 1998, Dulin 1998) et, pour certaines critiques à sa sortie, son principal défaut. L’intelligence artificielle des unités individuelles est souvent vue comme limitée et devant être palliée par la micro-gestion (Dulin 1998), ce que certains textes pointent comme frustrant (Colin 1998). Age of Empires II : The Age of Kings (Ensemble Studios/Microsoft Game Studios, 1999) propose au joueur de sélectionner des formations militaires typiques en un seul clic (en carré, en tortue, etc.). Dans StarCraft, tout ceci doit se faire manuellement, par plusieurs clics.

Différents choix de formations automatiques d’unités dans Age of Empires II: The Age of Kings (Ensemble Studios/Microsoft Games Studios, 1999) (source).

Macro-gestion

La macro-gestion concerne la production d’unités, la collecte de ressources, l’arbre des technologies et les améliorations. En envoyant ses unités attaquer, le joueur doit s’assurer que ses bâtiments renforcent constamment son armée, qu’il a suffisamment de bâtiments pour produire un bon nombre d’unités, qu’il avance dans l’arbre des technologies, qu’il a suffisamment d’ouvriers et de bases pour collecter les ressources nécessaires, etc.

Multitâche: entre macro- et micro-gestion

Un joueur peut faire plus d’actions qui concernent la production (macro) ou contrôler ses unités dans le combat (micro). Il tente d’optimiser les deux aspects en fonction de ses compétences sensori-motrices. L’alternance entre les deux est appelée le multitâche. La plupart des joueurs tendent à favoriser la macro-gestion, car elle donne un avantage significatif à long terme dans une partie (« Micro and Macro »). La micro-gestion comme la macro-gestion s’appliquent à des actions observables: théoriquement, chaque clic peut être identifié à l’une ou à l’autre. La manière dont les deux s’articulent peut s’illustrer dans un tableau. La figure suivante ne montre qu’un total de 31 actions, soit environ une quinzaine de seconde de jeu pour un joueur qui débute dans les ladders, comme l’auteur de ces lignes. Passer de l’un à l’autre se fait extrêmement rapidement.

... (p. 49).
Exemple d’une série d’actions qui passe de la micro-gestion à la macro-gestion et vice-versa. (Tiré de mon mémoire de maîtrise, p. 49).

Actions par minute (APM)

Les joueurs professionnels de StarCraft et certains joueurs sérieux utilisent des logiciels qui leur permettent de calculer leur score d’APM, soit le nombre d’actions (clics ou touches de clavier) par minutes. Un APM élevé est le signe que le joueur peut physiquement gérer un plus grand nombre de choses à la fois qu’un joueur qui a un APM bas — autrement dit, il s’agit du seul indice qui permette de comparer les compétences sensori-motrices de deux joueurs. Par contre, plus le nombre de clics est élevé, plus il y a de clics inutiles. Ces clics dits inutiles, appelés « spam », permettent tout de même au joueur de conserver son rythme. Pour donner une idée, l’APM d’un joueur professionnel peut tourner autour de 250-350, donc environ quatre ou cinq clics par secondes. Un joueur occasionnel — qui ne vérifie pas nécessairement cette statistique — ne dépassera que rarement 30-60.

Types de compétences

Mais la portée d’une action ne distingue pas les types de compétences. L’agencement des actions, qu’elles relèvent de la macro-gestion ou de la micro-gestion, repose sur les compétences sensori-motrices et cognitives. La macro-gestion n’est pas cognitive là où la micro-gestion est sensori-motrice. La première repose aussi sur des compétences sensori-motrices : pour s’assurer d’avoir une chaîne de production efficace, le joueur doit cliquer rapidement sur chacun de ses bâtiments, envoyer ses ouvriers au bon endroit, etc. Par exemple, si les joueurs placent leurs raccourcis claviers de 0 à 9 pour gérer les groupes d’unités, ils l’emploient aussi pour les bâtiments qui servent à la production. Ainsi, un joueur protoss peut sélectionner un de ses Gateways, cliquer sur « Z » pour produire un Zealot, et répéter rapidement l’opération pour chacun de ses Gateways. Il s’agit d’une question de macro, mais qui nécessite des compétences sensori-motrices.

De la même manière, la micro-gestion relève autant de l’exécution que de la stratégie : optimiser une attaque de Scourges (Z) sur des Mutalisks (Z) va renverser la vapeur dans une partie et est une décision stratégique très efficace dans une partie ZvZ. La plupart des stratégies repose grandement sur les compétences sensori-motrices des joueurs pour fonctionner.

Toute la question d’être multitâche implique à la fois les compétences sensori-motrices — être physiquement capable de cliquer rapidement — mais aussi, et surtout, les compétences cognitives — être capable de penser à gérer le plus d’éléments possibles à la fois.

Bibliographie


Partager cet article sur:

À propos de l’auteur


Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


Derniers articles


Derniers commentaires


Catégories


Blogroll