Les « débats » dans Internet

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J’ai souvent l’impression d’être pris avec une tendance qui est probablement en grande partie dans l’air du temps. Lorsque que quelqu’un que je connais ou que j’ai croisé dans Internet publie quelque chose où il est dans l’erreur, ou avec lequel je ne suis pas d’accord, j’ai cette fâcheuse tendance à vouloir corriger le tir. Cette image de xkcd qui date déjà, très justement intitulée « Duty Calls » [« le devoir appelle »], l’illustre tellement bien:

duty_calls

Je traduis: — Viens-tu dormir? — Je ne peux pas. C’est important. — Quoi? — Quelqu’un a tort dans Internet.

À part le fait qu’on ne convaincra que très rarement quelqu’un qui a tort dans Internet, c’est une longue perte de temps. C’est une perte, aussi, dans la mesure où ces discussions ont souvent lieu dans des endroits où la propriété intellectuelle de ce qui y est écrit nous échappe; que ce soit via Facebook, Twitter (au moins sagement limité à 140!) ou sur un forum de discussion (dans le temps où une telle chose existait).

On peut bien sûr conserver manuellement nos conversations et on serait sans doute sage de le faire, mais comme on a l’impression d’être en conversation, on imagine souvent que ce qu’on y écrit est comme une soirée entre amis. C’est presque le cas, mais c’est public; il y a toujours cet inconnu ami d’un autre avec qui on a parfois de plus gros différents ou chez qui on trouve un allié temporaire.

Plus important encore: l’importance du débat est différente pour chacun. Ce peut être sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur et l’adversaire en a une conception qui correspond tellement au stéréotype contre lequel je tente de me battre que ça en devient une affaire personnelle. Ce peut être que la connaissance de chacun des enjeux est différente pour chaque intervenant; autrement dit, l’un des deux parle sans avoir étudié la question contre un autre qui en a fait son objet d’études et qui a une démarche intellectuelle qui en témoigne. Peu importe à quel côté du débat on se situe, c’est un dialogue de sourd qui s’opère.

Je vais essayer de limiter de plus en plus mes interventions de ce type dans Internet. Sauf pour les reproduire ici, peut-être? N’importe quoi qui me donnerait l’impression de ne pas perdre mon temps, en espérant que, parfois, ce ne soit pas qu’une impression.


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2 réponses à “Les « débats » dans Internet”

  1. Avatar de Guillaume Lajeunesse

    Sur Internet, ou pas sur Internet, je trouve les débats fréquemment stériles. Selon moi, les gens devraient seulement argumenter à coup de livres et de contre-livres. Qu’ils auraient eux-mêmes écrits. Est-ce que je rigole ? À moitié.

    Je trouve les débats oraux horriblement stériles, ils sont d’une imprécision folle. À moins bien sûr qu’on discute avec un esprit ludique. J’ai connu peu de gens qui aiment à argumenter pour le plaisir. Mais il y en a.

    Les débats à l’écrit (i.e. sur le net) ont l’avantage d’être plus précis — ça dépend pour quels interlocuteurs, bien sûr —, mais on y perd en humanité. S’il est facile de s’enflammer malhabilement avec une personne en face de nous, à combien plus forte raison est-ce facile de perdre sa face gentille quand on argumente par écrit ?

    J’ai perdu une grande part de mon adolescence à argumenter avec des gens sur Internet. Je devais certainement aimer ça, remarque. Mais passé un certain point, ça devient malsain. J’essaie de me tenir loin des débats à présent.

  2. Avatar de Simon Dor

    Ça ressemble beaucoup à mon expérience avec les débats sur Internet. Ça prend je pense un certain recul pour admettre qu’on en arrivera à rien (et que même si on « gagne », « l’adversaire » n’est encore qu’une seule personne!). Je pense vraiment que c’est une spécificité de notre époque et que, s’il y a beaucoup d’avantages quand chacun est de bonne foi, il y a tellement d’inconvénients que ça prendrait – je suis d’accord! – des coups de livres pour commencer à se comprendre avant de commencer à s’entendre.

    Mais, je vais peut-être en faire un billet bientôt, les gens lisent tellement peu. Et je ne parle pas de lire littéralement, je parle de comprendre un texte, je parle d’aller chercher des choses à des endroits difficilement accessibles, je parle de décortiquer une lecture, une pensée, une opinion, une culture… ça, c’est très rarement pratiqué par les tenants des débats web.

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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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