J’ai reçu récemment un courriel de Kapois Lamort pour me demander si je souhaite présenter sur mon blogue son livre à paraître, Les Boss du Québec (R.A.P du Fleur de Lysée). Analyse sociohistorique et sociologique du Hip-Hop dans la société québécoise. L’idée m’intéresse énormément, notamment parce que je crois nécessaire et fondamental qu’on conserve une trace de la manière dont la communauté hip-hop s’est construite au Québec. Je n’ai pour l’instant qu’eu accès à des extraits de l’ouvrage, mais je me le procurerai certainement très bientôt. Lamort a répondu à quelques-unes de mes questions aussi pour m’éclairer sur le contenu et sur sa démarche.
Je me suis éloigné un peu (physiquement) de cette communauté dans les dernières années, mais je crois et j’espère qu’il y a quelque chose à comprendre de la présence du hip-hop dans la vie culturelle du Québec, sans toutefois savoir si on peut vraiment en comprendre toute l’importance et la portée. Le travail de Lamort pourra peut-être défricher le terrain pour qu’on traite avec sérieux cette importance culturelle.
Le travail de Lamort n’est pas strictement universitaire: au sens littéral, il n’a pas été produit au sein d’une institution. Reste que la démarche se présente comme sérieuse, rigoureuse, ancré dans des champs disciplinaires (l’analyse est « sociohistorique » et « sociologique », bien que plus accessible que la majorité des textes scientifiques. Les premières pages sont très personnelles, mettant en évidence le point de vue de l’auteur et le contexte dans lequel son travail s’inscrit.
Essentiellement, c’est l’absence d’une recension systématique de faits, d’archives, de collecte de données de tout ce qui concerne le patrimoine hip-hop au Québec qui motivait Lamort. Les études, notamment sociologiques, qui existent sur le sujet ont à peu près toutes été utilisées pour son travail. Le texte ne se veut pas chronologique, mais structuré en 37 chapitres traitant chacun d’un thème, abordés comme des séries différentes qui ont chacune leur logique interne. On traite, par exemple, d’interculturalisme, de politique, d’identité, des radios et magazines, mais aussi de l’homophobie ou de la présence des femmes. Un livre qui ratisse aussi large n’isole pas non plus le rap de son contexte hip-hop plus largement. On s’intéresse donc à toutes les pratiques hip-hop: danse, graffiti, mais aussi mode et entreprenariat, par exemple.
Ce qui m’a beaucoup marqué dans la présentation de l’ouvrage, c’est à quel point des artistes pionniers du hip-hop sont très peu connus même des gens impliqués dans la communauté. La transition commerciale du hip-hop, à la fin des années 1990, a entraîné certains groupes sous les projecteurs, laissant dans l’ombre d’autres ayant mis en place le terrain. La grande différence entre les Muzion, Sans Pression, Loco Locass et ceux qui sont restés dans l’ombre est une différence de langue: le hip-hop a débuté du côté anglophone de Montréal et très peu de ces noms ont pu percé un plus large marché ici. Les maisons de disque se seraient aussi limité à des groupes moins provocateurs ou politiquement engagé, ce qui explique bien sûr qu’on ait davantage entendu de LMDS, La Gamic, Dubmatique que de Traumaturge, South Squad, Complys.
J’ai bien hâte de pouvoir en lire plus. Dans le meilleur des mondes, j’aurais aimé que le livre soit publié dans une maison d’édition externe plutôt que d’être autopublié par Lamort lui-même au sein des Productions Noire, pour avoir un regard extérieur sur le travail de recherche et l’écriture elle-même. Néanmoins, je vais lire ce livre avec intérêt dans les prochains mois.
(Le livre est disponible chez Archambault et le site Lesbossduquebec.com)
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