Pourquoi analyser un jeu vidéo?

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L’analyse d’un objet comme le jeu vidéo tire ses origines de l’analyse littéraire ou cinématographique. Elle prend des formes variées mais en général, le point commun de toutes les analyses est qu’elles cherchent à tirer un savoir à partir de la décortication et de la compréhension d’un objet construit.

L’objectif d’une analyse est souvent une interprétation, soit la recherche d’un sens caché ou indirect qui doit être mis à jour avec le travail d’analyse.

L’interprétation

Lorenzo della Valle

Ce travail d’interprétation, parfois appelé l’herméneutique, tirerait son origine de l’analyse qu’a fait Lorenzo della Valle de la donation de Constantin en 1440. Pour justifier son pouvoir sur l’Occident, notamment la coronation des rois, la papauté de la fin du Ier millénaire a utilisé un texte qui aurait été écrit par l’Empereur romain Constantin, vers 315, dans lequel il cédait au pape la partie ouest de son empire. Or, Valle a démontré à partir de l’analyse du style de l’écriture que ce texte avait plutôt été écrit au VIIIème siècle, et donc qu’il était un faux.

L’analyse des textes écrits, des films, des œuvres d’art et des jeux vidéo tire de cet héritage l’idée qu’il y ait, dans le texte même, quelque chose à aller chercher qui nous permet de voir un sens, de trouver du savoir.

Quoi voir?

Pour la plupart des gens, le jeu vidéo est associé à la violence. Mortal Kombat (Midway, 1992) en est un bon exemple:

Pourtant, le jeu vidéo est beaucoup plus large. La plupart des gens font aussi l’expérience de jeux vidéo très différents, comme le Microsoft Solitaire (Microsoft, 1990).

Solitaire
Le solitaire, une expérience quelque peu différente de Mortal Kombat.

Une image a nécessairement un contexte, lequel doit être compris lorsqu’on cherche à comprendre un jeu vidéo. Comme le rappelle James Paul Gee, on comprend mieux et plus intuitivement le sens des images d’un jeu lorsqu’on y joue:

[…] si vous jouez aux jeux vidéo, vous savez que même les jeux violents nécessitent plus d’attention envers la stratégie — trouver des patterns et résoudre des problèmes — qu’envers les images, violentes ou non, à l’écran (Gee 2007, p. 3, je traduis).

Il devient alors un peu plus complexe de savoir quoi regarder dans un jeu vidéo pour y trouver un sens. On comprendra qu’on analyse différemment un jeu de combat et un jeu de patience. Les règles ne sont pas les mêmes, mais le jeu ne s’y joue pas du tout dans le même contexte ni, vraisemblablement, pour les mêmes raisons.

C’est pourquoi, autant ce qu’on voit et ce qu’on entend est important, autant il faut en comprendre le contexte et l’intégration dans le jeu lui-même. Dans quel contexte les images et le son sont-ils présents? Quel est leur rôle dans l’ensemble de l’expérience du jeu?

Le contexte d’un jeu

Mortal Kombat - controller

Mortal Kombat, par exemple, n’est pas qu’un jeu avec des images violentes: c’est aussi un jeu d’arcade qui implique d’appuyer sur les bons boutons avec le bon timing.

Analyser Mortal Kombat, c’est aussi le comprendre comme un jeu d’arcade, avec son contexte de compétition, ses contrôles et son atmosphère sonore. Mortal Kombat a sous bien des points plus à voir avec Pac-man (Namco, 1980) qu’avec un film violent, par exemple.

pac-man contrôles

Une analyse peut se poser la question à savoir dans quelle mesure Mortal Kombat s’inscrit à la fois dans la culture du jeu d’arcade et dans la culture des images violentes. Le rôle de la violence dans le jeu peut être mis en évidence et relativisé en cherchant à décortiquer la jouabilité pour voir comment le combat violent est peut-être plus important pour la mise en marché du jeu.

L’analyse, c’est donc chercher, à partir d’un travail de décortication et de compréhension de certains éléments d’un jeu, à en proposer une interprétation qui permette de mieux voir leur rôle culturel, social ou voir leur portée dans l’expérience du joueur. Mais chaque analyse va s’intéresser à différentes choses selon ses objectifs et son objet, comme on le verra dans le prochain billet.

Références

Gee, James Paul. 2007. Good video games + good learning : collected essays on video games, learning and literacy. New York: P. Lang (p. 3).


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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