The Fellowship of the Ring et le sindarin

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Je suis intéressé depuis un certain temps à la question de la coprésence de différentes langues dans une même oeuvre, notamment depuis que j’ai co-dirigé un numéro de Kinephanos avec Guillaume Roux-Girard sur le sujet. L’un des exemples que nous avions donné pour illustrer une des fonctions d’une deuxième langue dans une oeuvre était le sindarin dans The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring (Peter Jackson, 2001).

Le sindarin est l’une des langues elfiques dans l’univers de Tolkien. Sa première présence dans The Fellowship est lorsque Frodon et Sam croisent un contingent d’Elfes qui quittent la Terre du Milieu en chantant. Les deux Hobbits sont impressionnés par cette rencontre et, cachés dans les bois, commentent sa beauté et sa tristesse à la fois sans comprendre le sens des mots.

La seconde fois où on entend la langue sindarine, c’est lorsque Arwen rejoint le groupe de quatre Hobbits et d’Aragorn. Arwen et Aragorn échangent quelques mots, cette fois-ci sous-titrés pour que le spectateur comprenne aussi. Par ce sous-titrage, il y a déjà une distance qui se crée entre le spectateur et les Hobbits. On change de focalisation, c’est-à-dire que l’information qu’a le spectateur change d’un groupe de personnages à un autre.

Strider et Arwen discutent en sindarin, sous-titré en anglais.

Quelques scènes plus tôt, on constate déjà qu’on passe progressivement d’une focalisation centrée sur les Hobbits et du peu qu’ils connaissent sur les choses du monde à une sur Aragorn, nouveau guide de ce qui deviendra la compagnie de l’anneau. Les habitudes des Hobbits représentées par Pippin qui demande un second petit déjeuner détonnent par rapport à celles du spectateur et à ce qu’il s’imagine qu’il ferait s’il entreprenait une quête similaire. On s’attache davantage au sérieux qu’Aragorn met dans l’atteinte de Rivendell.

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Ainsi, c’est bel et bien Pippin qui demande, en lieu et place de tous les Hobbits, « Qu’est-ce qu’ils disent? » lorsque Aragorn et Arwen discutent. Nous ne sommes plus focalisés sur les Hobbits à ce moment-là, mais bien sur Aragorn, avec lequel on partage une information privilégiée — l’échange en sindarin — que les Hobbits n’ont pas.

On constate bien que la langue a une fonction importante pour la focalisation: elle est une information parfois intrinsèquement liée à un personnage. En ce sens, elle permet de diriger le récit dans une direction particulière liée au destin d’un personnage par rapport à un autre. On peut bien sûr sous-titrer toutes les langues, comme dans plusieurs films. Par contre, en sous-titrant de façon sélective, l’information donnée au spectateur est aussi sélectionnée et, en conséquence, le regard qu’on lui donne change tout autant.


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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