Le coût du combat dans les jeux de stratégie

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Brandon Casteel alias Wayward est un auteur qui écrit sur les jeux de stratégie au moins depuis l’époque du site RTSGuru. Il est le créateur du mod de StarCraft II « S.C.R.A.P. », un STR où les ressources se font extrêmement rares.

Dans cet article sur le coût du combat dans les jeux de stratégie, il explique que la résolution d’un engagement militaire dans beaucoup de jeux est souvent binaire, soit la victoire ou la défaite. Cette binarité est pour lui problématique, dans la mesure où le fait qu’il y ait souvent peu de nuances entre une victoire et une défaite lors d’un seul échange de tirs rend ce moment très important pour déterminer l’issue de la partie au complet.

À son avis, et il précise bien que c’est au fond une question de goût, les jeux de compétition sont plus intéressants lorsque la partie ne se décide pas sur un seul combat. Autrement dit, lorsqu’un joueur qui perd un affrontement a encore des chances de revenir dans la partie et de l’emporter. Je propose ici de synthétiser certaines de ses idées sur lesquels je veux insister avec des suggestions personnelles et de nouveaux exemples.

La binarité des combats

L’une des idées de Casteel est de diversifier le résultat des combats. Par exemple, s’assurer qu’on ne puisse pas que « gagner » ou « perdre » un combat, mais pouvoir proposer différents résultats à un échange de tirs.

Dans Heroes of Might and Magic III (3DO Company, 1999), les joueurs ont tendance à regrouper presque l’entièreté de leurs armées dans un seul héros, considérant qu’il n’y a pas de limite au nombre de troupes qui l’accompagne (sauf la limite du type de troupes). Ainsi, les parties tendent à être liées au résultat du combat où les deux meilleurs héros s’affrontent; une fois ce combat terminé, le perdant a fort peu de chances de survivre, n’ayant plus de rempart lui permettant de récupérer.

Une alternative simple aurait pu être de limiter le nombre de troupes totales pour chaque héros. De manière plus élégante, on aurait pu penser à un système où les héros ont un score de « leadership » qui leur permet de soutenir un nombre limité de troupes et donner des pénalités de moral lorsque cette limite est dépassée.

La limite de troupes devient plus complexe dans un jeu en temps réel, mais elle reste tout à fait possible. Dans StarCraft: Brood War (Blizzard Entertainment, 1998), un joueur ne peut sélectionner que douze unités à la fois, rendant très difficile la gestion d’une seule grande armée. Le déplacement de troupes étant souvent dépendant de nombreuses manœuvres, la plus complexe étant certainement les Siege Tanks qui passent du mode « tank » au mode « siege­ », il devient très naturel pour les joueurs de ne pas perdre toutes leurs unités en un seul combat.

Pensons aussi à une solution élégante de design de niveau: les goulots d’étouffement [choke points]. En créant un couloir étroit où toute une armée doit s’engorger pour passer, on limite sa force d’action à un nombre très réduit d’unités et permet à une plus petite armée de tenir le coup. C’est tout l’enjeu du film 300 (Zack Snyder, 2007).

On peut aussi penser aux zones de contrôle autour des forteresses dans Europa Universalis IV (Paradox, 2013). On peut perdre une large part de notre armée dans un affrontement, mais si celle-ci réussit à se replier dans un territoire de l’autre côté d’une forteresse, l’adversaire doit attendre de prendre celle-ci (et probablement subir de l’attrition en l’assiégeant) ou encore faire un détour autrement (par exemple, avec des bateaux) avant de pouvoir continuer son chemin et achever nos troupes. Ainsi, le perdant a le temps de rafraîchir ses troupes ou d’acheter des mercenaires s’il a le manpower ou l’or pour le faire.

La multiplicité des systèmes, des ressources et des moyens de gagner

L’autre moyen de gérer ce problème est de multiplier les systèmes, les ressources et, au fond, les moyens de gagner. Le but de ce que Casteel propose n’est pas tant de créer de nouvelles « conditions de victoire » comme telle, mais plutôt de ne pas limiter le jeu à un seul chemin pour mener à la victoire. Un joueur peut se concentrer à différents degrés sur certains de ses systèmes et en tirer avantage pour atteindre potentiellement la victoire.

Tooth and Tail (source: Wayward Strategist).

Il analyse le jeu Tooth and Tail (Pocketwatch Games, 2017) en montrant que tout le jeu se limite à la question d’une ressource: la nourriture. Au contraire de StarCraft II, par exemple, où un joueur doit gérer différemment chaque ressource (les minéraux ou le gaz) ou choisir des technologies qui font en sorte que l’équilibre entre différents systèmes devient nécessaire.

Un psionic storm d’High Templar (source: Giantbomb).

L’exemple sur lequel Casteel insiste, ce sont les systèmes de munitions ou de mana. En créant des High Templars dans StarCraft, les nouvelles unités ont un système de mana qui est complètement indépendant des ressources elles-mêmes. Bien sûr, il faut des minéraux et du gaz pour acheter l’unité, mais il faut attendre un certain temps avant de recharger la mana et pouvoir utiliser un sort avec un haut nombre de dégâts par seconde (DPS). Il est en ce sens plus facile de limiter le nombre de dégâts que chaque unité peut faire parce qu’on l’équilibre indépendamment des ressources principales du jeu.

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Cet article me motive grandement à écrire sur les ressources et leur équilibre dans les jeux de stratégie. Ce sera je l’espère pour très bientôt!


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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