J’ai emprunté Brothers: A Tale of Two Sons (Starbreeze Studios, 2013) sur PS4 à la bibliothèque municipale tout récemment pour l’essayer un peu. Sachant que le jeu ne durait que trois ou quatre heures, et en m’y plaisant dès le début, j’ai décidé de le terminer. Petit divulgâcheur à prévoir.
Autant j’ai apprécié mon expérience, interactive comme visuelle, autant je trouve problématique la représentation des femmes dans le jeu. Leur représentation fait à mon sens écho à la représentation des femmes dans StarCraft: les femmes sont soit « anges », soit « démons ».
Le jeu raconte l’histoire de deux frères qui ont perdu leur mère et qui pourraient être sur le point de perdre leur père, gravement malade. Ils pourraient sauver leur père en allant chercher une substance magique très loin; le jeu raconte donc les péripéties qui mènent jusqu’à cette substance. Les deux frères sont contrôlés par un même joueur; le joystick droit de la manette fait contrôler un des deux frères alors que le joystick gauche, l’autre. Plusieurs puzzles impliquent de contrôler habilement les deux à travers ces contrôles particuliers et une relation de symbiose et de coopération entre les deux se crée par ces contrôles spécifiques.
C’est un texte de Sandra Gilbert et Susan Gubar que j’ai découvert dans un cours de littérature comparé qui expliquait que les auteurs masculins ont créé des images de la féminité sur une opposition entre l’ange et le monstre, où ce qui est féminin est toujours perçu comme un peu magique, un peu hors de la vie quotidienne, d’un côté comme de l’autre. Elles expliquent que les écrivaines « must examine, assimilate, and transcend the extreme images of “angel” and “monster” which male authors have generated for her » (2000, p. 17).
Sans compter les figurants, il y a trois personnages féminins dans Brothers. Il y a la mère, décédée avant le début de la partie et qui fait son apparition une fois de temps en temps. Il y a la géante ou ogresse, qui est enfermée et qu’on libère de sa cage; on se rend compte au final que le géant qui nous aidait le faisait pour qu’on l’aide à libérer sa compagne. Elle reprend le cliché de la demoiselle en détresse. Enfin, il y a la femme qui s’éprend du grand frère: elle l’entraîne dans une caverne et se révélera être un monstre araignée.
Les femmes n’ont jamais les rôles actifs; elles restent cantonnés à des rôles passifs où leur « pureté » les confine: « the “ideal of contemplative purity” is always feminine while “the ideal of significant action is masculine” » (Gilbert et Gubar 2000, p. 12). Même l’araignée est associée traditionnellement à la mère, des œuvres comme Maman (1999) de Louise Bourgeois ayant repris cette association.
On s’entend, je ne dis pas que le jeu est sexiste en soi (comme StarCraft ou n’importe quel autre jeu vidéo axé sur un univers masculin). C’est plutôt qu’il commence à être temps que les clichés sur la féminité soient évacués et j’aurais aimé qu’un jeu original sur la forme et la jouabilité puisse l’être aussi en allant au-delà des stéréotypes.
Références
Gilbert, Sandra, et Susan Gubar. 2000. « The Queen’s Looking Glass: Female Creativity, Male Images of Women, and the Metaphor of Literary Paternity ». Dans The Madwoman in the Attic, The Woman Writer and the Nineteenth-Century Literary Imagination, 3‑44. New Haven (Connecticut, É.-U.); London: Yale Nota Bene.
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