Je viens de terminer la lecture de Carnets d’une féministe rabat-joie. Essais sur la vie quotidienne d’Erin Wunker. Ses réflexions sur la maternité, la culture du viol et les amitiés féminines, notamment leur représentation dans les médias, sont tout à fait pertinentes et d’actualité.
Le fait qu’elle soit mère dans un contexte universitaire me rejoint évidemment particulièrement. Elle critique notamment la place qu’occupe la parentalité et les enfants à l’université, ou plutôt son absence de place. Elle explique bien par ailleurs la différence systémique entre parent et mère, montrant au fond qu’on a beau croire que l’un se réduit à l’autre (et même, comme elle le précise, le voir comme un idéal), il y a encore des différences marquées entre les deux ne serait-ce que dans les attentes.
J’aime bien la révélation qu’elle a eu à constater que la vie professionnelle d’un individu n’est pas séparée de sa vie personnelle, révélation qu’elle a eue lors d’un séjour pour un colloque sur l’affect:
Alors que j’étais aux toilettes à essayer de pomper mon lait et de le jeter en douce entre les séances tout en réfléchissant aux communications auxquelles je venais d’assister, j’ai commencé à comprendre que la frontière que je m’évertuais à préserver entre ma vie « personnelle » et ma vie « professionnelle » — dichotomie factice si toujours est-il qu’elle existe — était tout à fait superflue. J’étais à côté de la plaque. En fait, toute nouvelle expérience de fragilité fournit une occasion unique de pensée critique. Le genre de moments qui transforment notre perception (p. 191-192).
Il y a tellement de choses dans la recherche qui sont basées sur des expériences, des ressentis, des affects, du plaisir — en particulier lorsqu’on étudie des objets culturels, que ce soit la littérature comme elle ou le jeu vidéo comme moi. La culture fait partie de la vie et il faut, justement, la vivre pour être en mesure de bien la comprendre. Autant le travail universitaire la transforme en objet de savoir et lui fait ainsi violence, autant il faut revenir à son expérience esthétique première et quasi-viscérale pour, justement, être en mesure de comprendre le sens qu’elle peut avoir.
Dans le cas du féminisme, clairement, la vie personnelle pose aussi des enjeux politiques que plusieurs hommes ont forcément avantage à séparer « clairement » de la vie professionnelle.
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