La recherche: développer sa crédibilité ou se poser les bonnes questions?

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Je constate en corrigeant des travaux de premier cycle et de cycles supérieurs que les intuitions de recherche que mes étudiants ont les conduisent à formuler des questions de recherche extrêmement ambitieuses mais très concrètes et qui seraient utiles à la discipline. C’est bien sûr une bonne chose en soi car ils comprennent bien ce qui se fait, mais ce sont des questions qui finissent souvent par devoir être réduites à une expression beaucoup plus simple qui fait parfois déchanter par rapport aux ambitions initiales.

C’est en partie parce qu’ils n’ont pas encore l’érudition nécessaire à un projet de recherche. Un projet implique non pas uniquement de comprendre ce qui serait intéressant pour la discipline, mais aussi et surtout comprendre où en sont les recherches et jusqu’où elles peuvent raisonnablement aller dans le court terme.

C’est une tendance qui au fond pousse à un certain conservatisme dans les sujets d’études, parce que tout jeune chercheur — étudiant mais aussi professeur — va devoir non pas seulement faire avancer la discipline, mais aussi et surtout prouver que c’est elle/lui qui est la/le mieux placé-e pour le faire. Autrement dit, si l’étude est de jure de la recherche fondamentale faite pour ses propres raisons, elle est aussi de facto de la recherche faite pour prouver que son chercheur est un bon chercheur, finançable, prêt à l’embauche, etc. Il crée son capital symbolique.

Le système universitaire et son financement encouragent donc les jeunes chercheurs à favoriser la recherche à portée de main que la recherche nécessaire, parce que leur crédibilité de chercheur est en jeu. Dans les faits, une recherche réussie, même si elle est moins pertinente en tant que savoir, témoigne de leurs capacités de recherche plus qu’un effort de recherche important qui n’a pas abouti.

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Je suis un peu ambigu face à cela car il est important pour un jeune chercheur de comprendre son champ d’études, où il en est, sur quoi il se construit, etc. C’est sans doute même l’une des qualités les plus importantes et qui prend le plus de temps. Mais la discipline devient dès lors un véhicule conservateur très difficile à faire bouger dans une nouvelle direction.

Toutes les autres avenues possibles me semblent jonchées de pièges. La recherche orientée de manière plus serrée par un directeur de recherche (qui serait donc de facto moins axée sur le désir d’approbation/de crédibilité directe de l’étudiant-e puisqu’iel travaille pour le projet d’un autre) ne fait pas développer les compétences de développement de nouveaux créneaux. Dans la même veine, la recherche partenariale ou avec l’industrie peut connecter avec de nouvelles réalités, mais elles ne sont pas nécessairement moins « biaisées » ou moins conservatrices et elles favorisent encore moins le développement de nouvelles idées par le chercheur lui-même.

Bref, c’est une contradiction difficile à défaire mais sur laquelle on devrait je crois se pencher.

Je ne sais honnêtement pas d’où vient l’image d’en-tête. C’est une photo que j’ai prise d’un jeu sur PS4 auquel j’ai joué entre avril et juin 2018 (Life is Strange? Uncharted 4? RiME?) et je trouvais drôle que je ne pouvais rien faire d’autre que valider. Elle fonctionne étrangement bien comme image pour ce billet.


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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