Le temps et le devoir de débattre

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Je m’embourbe ces temps-ci dans des débats sur les réseaux sociaux comme un jeune naïf qui pense encore que les trolls se transformeront subitement en personnes de bonne foi. Je ressens périodiquement une sorte de devoir d’intervenir, qui s’estompe souvent rapidement heureusement.

Mais en expliquant aux gens que le féminisme est important, que la souffrance causée par le racisme ne disparaîtra pas en méditant, que Michel Onfray n’a pas toujours raison ou que les sciences humaines et sociales sont des sciences, je constate qu’il y a au moins deux présupposés de la part des gens qui font des débats sur Internet.

Le premier est qu’on a un devoir de leur donner une réponse. C’est un peu l’idée que j’évoquais en parlant de « s’embourber »: c’est comme si une fois dans le débat, on doit donner la réponse pour avoir raison ou pour gagner. Ils oublient bien sûr qu’en établissant eux-mêmes l’arène où se déroulera le combat en posant eux-mêmes les questions auxquelles on devra répondre (la pertinence du féminisme, de l’antiracisme, des sciences humaines, etc.), ils ont complètement mis de côté tout ce qui s’est fait avant et qu’ils auraient dû prendre d’abord comme un devoir.

Ce qui mène au deuxième présupposé: le temps est celui de l’urgence. Il faut répondre à ce qu’il nous envoie maintenant et qu’on ait rapidement la réponse. Tout ce qui prend du temps devient inutile, en particulier lorsque ce temps est investi dans la lecture de quelque chose. Tout ce qui a été publié en sciences humaines en particulier n’existe plus; prendre le temps de comprendre quelque chose devient inutile. Tout n’existe que dans le cadre du débat.

Il existe aussi la version inverse de ce troll: celui qui au contraire veut qu’on ait lu tout ce qu’il nous met en lien ou en pièce jointe avant qu’on lui réponde. Comme si on lui devait le temps que ça prend pour lire tout ça et le réfuter alors qu’il n’a pas pris le temps de le synthétiser et d’en faire un argument.

Si on ne doit rien aux jeux vidéo, on doit encore moins quelque chose à quelqu’un qui ne fait pas le minimum de s’informer avant d’avoir une opinion.

Bref, je crois que je vais aller me faire un thé.

Image de Warcraft II: Tides of Darkness tirée de Mobygames.


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3 réponses à “Le temps et le devoir de débattre”

  1. Avatar de D
    D

    Social justice warrior, si vous vous intéresser a la politique via les réseaux sociaux, je peux vous conseiller « thinkerview » pas néccessairement leur facebook, ou leur twitter car ils faut avant connaître leur états d’esprit quitte a ce méprendre avant de ce faire « groot », leur interview sur youtube sont très intéressant mais ça concerne en général que la france.

  2. Avatar de Simon Dor

    Oh, je vais aller voir ça, merci!

  3. […] à quel point avancer sa réflexion sur quelque chose implique parfois de se sentir déconnecté du temps qui passe! Les jeux des finissant-e-s de 2024 sont déjà terminés, mais je n’ai pas pris le temps de […]

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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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