Je me suis mis dans les dernières années aux jeux de la série de jeux de rôle tactiques Fire Emblem. Si The Sacred Stones m’a fait découvrir la série, Fire Emblem: Three Houses (Intelligent Systems & Koei Tecmo Games, 2019) est certainement l’apogée du plaisir que j’ai eu avec cette série-là. Il est probablement un peu plus facile que d’autres, mais je pense qu’il a trouvé un niveau de difficulté qui soit assez bien ajusté.
Quelques divulgâcheurs sont à prévoir.
La/le joueur-se incarne un personnage masculin ou féminin qui deviendra un professeur à l’Académie des officiers de l’Église de Seiros. Il choisira de prendre la tête d’une des trois maisons qui représentent les trois territoires du continent, qui ont chacune leur représentant étudiant: Edelgard, Dimitri et Claude. On comprend progressivement que la professeur-e est un personnage qui a une relation particulière avec la Déesse de la religion dominante et que la relative harmonie qui semblait régner entre les maisons masque des visions du monde inconciliables qui finiront sur le champ de bataille.
J’ai choisi Claude et les Cerfs d’or vu leur vision visiblement multiculturelle, le ratio de représentation des genres et leur volonté de ne pas trop tenir en compte les classes sociales.
Three Houses mise vraiment sur la personnification pour créer une relation entre les personnages. Comme d’autres de la série, il y a un score d’affinité entre certains personnages qui peut s’améliorer au fur et à mesure qu’on les fait combattre à proximité. Mais cette affinité se crée aussi hors des combats.

Apprendre, explorer et combattre
L’une des boucles de jouabilité très longue est basée sur les semaines et les mois dans l’univers diégétique du jeu. Le jeu oscille entre différentes phases, principalement l’apprentissage, l’exploration libre du monastère et les combats. Il y a un équilibre à aller chercher entre chacune de ces phases.
Chacun des aspects est relié aux autres: habituellement, l’exploration du monastère, qui a lieu les dimanches, permet de faire monter la motivation de chacun de ses personnages individuellement. Lorsqu’on passe en phase d’apprentissage, les lundis, les personnages ont la possibilité d’améliorer une de leurs statistiques jusqu’à quatre fois par semaine si leur motivation est au maximum. On peut enclencher des combats à chaque fin de semaine, puis un combat final a lieu à toutes les fins de mois — l’histoire reste réglée au quart de tour.
Le combat
Chacune des statistiques sert évidemment à améliorer les aptitudes au combat; elles sont axées sur les armes (épée, lance, arc, …), la magie (noire ou blanche) ou les autres aptitudes de combat (leadership, équitation, etc.). Les combinaisons de certaines de ces statistiques permettront de débloquer l’apprentissage de nouvelles classes de personnages, l’équivalent de « jobs » (comme dans Final Fantasy Tactics) qui peuvent être apprises puis interchangeables.
Chaque personnage peut éventuellement être leader d’un bataillon militaire qui lui donnera des avantages en combat; étrangement, la force de frappe du bataillon est minime contrairement à celle du personnage. La représentation visuelle du jeu reste celle des Fire Emblem classiques, c’est-à-dire d’un personnage qui occupe une case carrée sur un terrain en forme d’échiquier, mais les confrontations entre personnages assument que le personnage est dans les faits accompagné par d’autres troupes qui restent des visages anonymes. C’était implicite dans les autres Fire Emblem: on voyait souvent de larges armées dans les cinématiques. La représentation visuelle conserve la même incohérence graphique entre l’échelle micro et l’échelle macro que les jeux de stratégie classique.

La représentation de l’enseignement
Three Houses est l’un des rares jeux qui représente une forme d’enseignement. Visuellement, la première partie du jeu est sous forme de cours pris en charge par notre personnage principal, et la deuxième partie met en scène ce qui ressemble davantage à un séminaire aux cycles supérieurs. Dans l’expérience du jeu, on a le choix d’entraîner un-e étudiant-e à une compétence, et cellui-ci s’améliorera peu importe le niveau de compétence de l’enseignant lui-même; une bien drôle de manière de représenter l’enseignement on en conviendra. On peut aussi organiser un séminaire dirigé par un des étudiant-e-s, qui entraînera celleux qui y assisteront à deux ou trois compétences à la fois. En explorant le monastère, on peut aussi demander à un personnage expert d’entraîner les compétences de notre personnage principal. On est dans une dynamique qui reste très peu celle du groupe au complet.
Il y a malgré tout un certain malaise dans les relations maître-élève, notamment parce qu’on peut offrir des cadeaux à nos étudiant-e-s, les inviter à prendre le thé et, à la fin du jeu, demander un personnage en mariage.


Comme un simulateur de drague
C’est que de nombreuses dimensions du jeu ressemblent à un simulateur de drague — j’exagère, mais parfois à peine. On peut inviter chacun des personnages de notre classe à partager un repas ou à prendre une tasse de thé. L’appréciation du repas dépendra de chacun des personnages et le type de thé choisi pourra avoir des répercussions sur la relation avec elleux. Une discussion autour d’un thé induira un choix de thèmes que le personnage avec qui on s’est jumelé pourrait apprécier; il faut donc anticiper les préférences de sujets de discussion avec nos personnages pour optimiser la relation avec eux et la motivation qu’iels vont gagner de cette rencontre.
On peut aussi chercher à convaincre les personnages des autres maisons à joindre la nôtre. Alors que je souhaitais au départ que mon personnage développe une relation avec Marianne, j’ai choisi à un moment de chercher à séduire Dorothea (et je ne suis visiblement pas seul) en me basant sur les commentaires qu’elle faisait lorsqu’elle interagissait avec mon personnage. J’ai réussi à convaincre Dorothea de demander un changement de classe en développant suffisamment les compétences de mon personnage qu’elle juge pertinentes. Par contre, je n’ai pas pu développé suffisamment la relation avant la moitié du jeu, bloquant l’augmentation d’affinité avec elle jusqu’à la fin. Je le sens étrangement comme une occasion manquée dans mon expérience du jeu.

Les personnages et leur regard critique sur la guerre
Ce que j’ai trouvé frappant de ce Fire Emblem, probablement plus que d’autres, c’est que les personnages sont souvent les vecteurs directs d’un regard critique sur la guerre. Dorothea porte un regard rétrospectif sur une de nos batailles où nous avons dû combattre nos anciens camarades de classe, en insistant sur le fait que Ferdinand soit mort, en l’appelant même Ferdie. On ne se bat plus uniquement contre des soldats anonymes et remplaçables: le jeu nous rappelle que nous combattons des personnages que nous avons déjà considérés nos amis.
C’est d’autant plus évident juste après la bataille du pont de Myrddin. Les personnages remettent beaucoup en question la bataille, que ce soit avant ou après. Ils sont tristes d’avoir tué un ancien camarade, insistent à différents moments sur le nombre élevé de pertes — ce qui ne n’était pas particulièrement différent d’autres batailles lorsqu’on la jouait —, et Leonie se demande si c’est quelque chose auquel on doit s’habituer que de tuer. On verra aussi éventuellement une arme de destruction massive, nommée le Javelin of Light.
C’est véritablement un jeu où il y a au centre de l’expérience les personnages et leurs relations. J’y reviendrai très certainement car je crois bien qu’il se mérite une place parmi mes meilleurs jeux de tous les temps.
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