Je me dis parfois que j’aimerais être plus près de la nature, voir plus de verdure, sentir les arbres et la terre en prenant mon café le matin pendant que je regarde un cour d’eau. À la place de ce paysage bucolique, je vis plutôt autour de quelques pots de terre où poussent tomates, bleuets, menthe, mais surtout mauvaises herbes, sur mon balcon en ciment, et remplace l’air marin par un diffuseur d’huiles essentielles de thuya ou de sapin.
Je suis dans un quartier à proximité relative de mon travail depuis assez longtemps pour ne pas avoir un loyer trop élevé, mais cette proximité si chère à mes yeux (et à celle de nombreuses études sur le bonheur) ne vaut plus grand-chose le temps du télétravail. J’aime toujours autant pouvoir trouver tout ce dont j’ai besoin à distance de marche et je ne regrette pas mon choix de vie malgré tout.
Je m’en rappelle périodiquement et m’en suis rappelé hier encore en allant passer une journée à un chalet. On ne part pas trop tard, peu après l’ouverture des commerces pour faire un achat en chemin, puis on s’embourbe rapidement dans le réseau autoroutier qui nous fait sortir de la métropole. Et je réalise que ce que j’associe à la nature est toujours aussi associé dans mon esprit à l’autoroute.
Hier, on est resté près de trois heures avec d’autres citadins aller rejoindre les chalets pour la fin de semaine ou les vacances et je me suis rappelé l’absurdité qu’on a tous à aller chercher « l’évasion dans la nature » à travers le chemin tout tracé d’avance dynamité au milieu des collines en arrêtant acheter un café au Tim Hortons. Je me suis demandé ce qu’était cette nature pourtant si construite, vendue comme clé-en-main mais dans les faits dépendante qu’on n’ait pas oublié les costumes de bain (c’était le cas hier), les trois valises (il y a deux ans), les chaises pliantes ou le BBQ portatif.
Je lisais le matin même un article de Pattie O’Green dans Liberté où elle faisait l’éloge d’une éducation aux enfants axée sur le risque plutôt que l’aseptisation à tout danger. Je suis peut-être trop anxieux pour être capable de cette zénitude, mais j’y retiens au moins l’idée qu’on devrait voir la nature non pas comme, justement, cette construction quasi-banlieusarde autour de la ville où les privilégiés peuvent parfois décrocher, mais plutôt comme le contact avec les éléments, avec ce qui est plus chaotique, salissant, ce « jeu non structuré » qui n’est pas socialement construit mais qui déroge de ce qu’on essaie de mettre en place et par lequel on serait peut-être capable de développer, comme elle le suggère, une plus grande empathie, une « intelligence du corps ».
J’ai le sentiment que cette nature n’est pas celle clôturée de la propriété privée à côté d’un lac ou on peut faire de la motomarine, du pédalo ou de la pêche, en pensant à tout apporter pour que la fin de semaine se passe pour le mieux. Je sais que cette relation avec mon environnement, je la trouve en ville bien plus que mes deux décennies de banlieue construite autour de la voiture n’ont pu le faire. Elle est quelque part, peut-être pas dans le béton de ma cour ni dans les craques de l’asphalte de la ruelle, mais certainement pas dans l’autoroute ou dans l’automobile pour s’y rendre.
Références
Girard, Mario. 2020. « Les motomarines, cette plaie ». La Presse, 1er août.
O’Green, Pattie. 2020. « Venir au monde sans y mettre les pieds ». Liberté. Art & Politique, no. 327 (printemps), p. 35-38.
Laisser un commentaire