J’ai toujours eu une présence importante sur le web pour entrer en dialogue avec différents publics et faire connaître mon travail et mon domaine. J’ai été surpris d’avoir une relative popularité sur TikTok à partir de fin 2021-début 2022. C’est du moins un modeste succès qui dépasse largement celui que j’avais sur YouTube et Twitch, où mon contenu est plutôt resté anonyme. Je le précise si nécessaire : je suis la directive de l’UQAT qui découle de celle du gouvernement provincial obligeant les employés à ne pas utiliser l’application Android avec le matériel financé par les fonds de recherche. Ainsi, j’utilise l’application de bureau (autorisée par le secrétariat général) et un appareil personnel. J’ai publié plus de 200 vidéos, qui ont entre 1 et 3 minutes pour la plupart, et presque toutes ayant au moins 500 vues, la plupart près de 1000 et une ayant cumulé 50 000 vues. Ainsi, je peux faire connaître le domaine au grand public et interagir avec des personnalités web du domaine.
Mais voilà: TikTok et les différents réseaux sociaux qui fonctionnent avec un algorithme de recommandation sont un couteau à double tranchant: si je me targue de « faire des views » sur le réseau, ce qu’il me donne comme découvrabilité peut facilement être repris. Ça semble par ailleurs être une tendance récente auprès des créateurs de contenu sur le réseau. Austin Archer, par exemple, soulignait qu’il peinait parfois à faire plus que 5000 vues, alors que son compte comporte près d’un million et demi d’abonnés.
En voici une illustration humoristique:
Ça me semble bien évidemment ironique qu’il ne soit pas possible d’atteindre facilement ses propres abonnés. Sur la plupart des réseaux, on pourrait s’attendre que d’atteindre ses propres abonné-e-s par son contenu soit la cible par défaut, alors qu’il serait difficile d’atteindre les gens qui ne nous connaissent pas. La logique des réseaux semble maintenant à l’inverse: il faut réussir à créer un contenu intéressant pour des gens un peu au hasard pour que ceux qui interagissent avec nos contenus, et que ceux-ci soient par la suite suggérés à nos abonnés. C’est du moins mon expérience actuelle. Un contenu de niche comme celui que je fais à l’intersection des sciences humaines, de l’enseignement et du jeu vidéo ne réussira fort probablement pas à trouver son public.
C’est une situation qu’Alexandra Martel, spécialiste du marketing sur les réseaux sociaux, avait vu venir depuis un certain temps déjà. En décembre 2023, sur Threads, elle écrivait:
Il va être de plus en plus difficile d’aller chercher des nouveaux abonnés, d’atteindre nos abonnés actuels et encore plus de les convertir. […] De plus en plus de gens créent du contenu, en général. […] Le nombre de personnes qui utilisent des outils comme ChatGPT pour créer plus de contenu, plus vite augmente chaque jour. […] La source de revenu préf des propriétaires des réseaux sociaux? La publicité. Et plus la publicité prend d’espace, moins il en reste pour le contenu organique.
Autrement dit, il y a de plus en plus de contenu créé plus facilement alors que la principale source de revenus du milieu de la technologie — qui connaît des vagues de mises à pied ces temps-ci — est le contenu sponsorisé. Les réseaux qui ont été utilisés principalement pour des échanges entre quidam à la fin de la décennie 2010 se retrouvent maintenant à être davantage utilisés pour leur fonction publicitaire.
C’est peut-être le pire moment pour créer du contenu comme le mien, sans intention monétaire qu’elle soit modeste ou à la hauteur des succès du marketing d’influence.
Ce que je remarque qui me trouble, ce n’est pas seulement que mon petit espace n’atteigne pas les échanges que j’aurais espéré, mais aussi que mon expérience comme utilisateur de ces réseaux est de moins en moins intéressant. Je vois principalement des vidéos qui atteignent un nombre de likes plus élevé que le nombre de vues de mes vidéos à succès. Autrement dit, je vois du contenu viral spiraler dans ma direction sans pouvoir échanger avec des gens à la même échelle que celle que je propose.
Ce n’est pas très inspirant. Le succès de ce blogue reste la valeur la plus sûre, d’autant que j’en reste propriétaire.
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