Vidéoway et la relation entre technologie et culture

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Vidéoway était une technologie introduite au Québec à la fin de la décennie 1980 qui permettait, grâce à un appareil récepteur semblable aux récepteurs télé d’aujourd’hui, de jouer à des jeux vidéo sur la télé, d’avoir accès à de brèves informations (météo, bourse, etc.) et de regarder de la télé interactive.

Je me souviens très bien d’avoir lu, en 2006, une chronique de Louise Cousineau qui parlait de la fin du service qui m’a beaucoup marqué et que j’ai fini par retrouver. L’extrait qui m’intéresse provient du postscriptum d’un article portant sur un documentaire sur la polygamie. Elle écrivait:

Il paraît que j’ai été la dernière cliente de Vidéotron à faire débrancher mon vidéoway, cet appareil révolutionnaire fabriqué par Zenith en 1988 et qui a été adopté par Vidéotron pour développer sa télévision interactive. Au moment de sa sortie, le convertisseur nouveau genre a fait la manchette partout dans le monde. Et l’ex-grand patron de Vidéotron, André Chagnon, y croyait dur comme fer. Un genre d’Internet en plus petit. Ce que j’aimais de mon appareil devenu obsolète, c’est que je pouvais jouer à la patience et au scrabble contre Félix durant les pauses commerciales, que j’entendais sans les voir. De quoi se calmer les nerfs. En mai dernier, nous n’étions plus que 15 000 clients à avoir encore un vidéoway. L’objet a disparu début août parce que Zenith ne fabriquait plus de pièces de rechange, qu’il n’y avait plus de nouveaux jeux attirants et surtout que l’appareil bloquait 12 canaux numériques. Or, à l’explosion du numérique, Vidéotron a besoin de tout l’espace possible. Illico offre bien plus de canaux et de possibilités, mais malheureusement mon partenaire de jeu Félix n’y est pas. Démodé. Inutile. C’est le progrès (p. 3).

C’est fascinant de voir la perspective plus « culturelle » sur une technologie innovante. Vidéoway avait entraîné le développement d’émissions de télé interactives, notamment la série Watatatow, dont la première saison avait des choix. Je n’y ai pas joué à l’époque et j’aimerais bien pouvoir découvrir ce que ça impliquait ou savoir s’il y a des archives de jouabilité de l’époque. Je me souviens aussi qu’il y avait une émission de poker et qu’on pouvait participer à certains quiz télévisés comme Que le meilleur gagne.

En parcourant Wikipédia sur Vidéoway, je trouve un autre article sur la diffusion d’un spectacle de Céline Dion qui testait une fonctionnalité interactive, où un spectateur avec l’appareil pouvait choisir lui-même les angles de vue. Elle y écrit:

L’interactivité est-elle vraiment la télévision de l’avenir? Le spectacle de Céline Dion dimanche soir n’avait pas besoin qu’on pitonne ad nauseam pour être bon. L’émission Watatatow est aussi complète et l’interactivité n’y apporte pas grand chose, sinon la déconcentration du spectateur (p. C6).

Le jeu vidéo dans la section « Techno » ou « Culture »?

Ces deux exemples montrent bien qu’une technologie est une question sociale et culturelle. L’innovation elle-même joue un rôle dans la société qui dépend de conditions sociales dans lesquelles la technologie se déploie: les usages existants, les habitudes d’utilisation, etc.

Pour moi, la technologie fait partie de la culture. Je suis toujours déçu lorsque je vois les chroniques sur les jeux vidéo dans la section techno plutôt que culture. L’intégration de nouvelles technologies implique une dimension culturelle, notamment parce qu’il faut pouvoir intégrer une technologie à notre vie. Pensons à la réalité virtuelle, qui est depuis des années vendue comme une technologie d’avenir. Elle n’arrête plus d’advenir, mais l’idée que tout un chacun aurait sa propre station à la maison et aurait troqué sa console voire son appareil mobile pour se déplacer dans un univers virtuel a mal vieilli.

Je comprends que le jeu vidéo est parfois plus difficile d’accès pour les néophytes qu’une pièce de théâtre, une exposition ou un festival de musique. Les amateurs de culture et les technophiles forment un diagramme de Venn dont les cercles sont peut-être éloignés. Reste qu’il y a pourtant des manières de jouer et des jeux spécifiques qui ne s’adressent pas seulement à des initiés. Je pense qu’on aurait tout à gagner à les mettre de l’avant.

On peut parler des anciennes technologies pour en faire des comparatifs, comme on revient aux classiques littéraires ou cinématographiques pour comparer des sorties récentes. Je n’aime pas le ton toujours un peu trop prospectif des textes que nous parlent de technologies, même quand il s’agit d’intelligence artificielle et de robots conversationnels. Ce sont souvent des textes qui font davantage la promotion de la technologie elle-même, « pro-motion » dans la mesure où ils ne nous parlent que rarement de l’utilisation de leur matériel technologique; ils s’intéressent bien davantage à ce qu’ils n’ont pas encore, à la puissance et l’imaginaire que ces outils nous ouvrent.

Ça reste un imaginaire sur lequel on doit avoir un regard critique.

Sources

Image d’en-tête tirée du site Le Beta Testeur.

Louise Cousineau, « Céline sur le piton », La Presse, 17 septembre 1991, p. C6.

Louise Cousineau, « Un mari, trois femmes et sept enfants: la polygamie est-elle votre tasse de thé? », La Presse, « Arts et spectacles », 15 août 2006, p. 3.


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Une réponse à “Vidéoway et la relation entre technologie et culture”

  1. Avatar de Guillaume Lajeunesse

    L’âge d’or de la télé. Je me souviens de cette émission où l’on montait dans un ascenseur. Fallait répondre à des questions… Je me souviens en effet de la météo. Et du fait qu’on pouvait jouer aux Échecs. Je ne me souvenais pas de l’aspect interactif de Watatatow !

    Je ne sais pas si l’interactivité était nécessaire à la télé, mais c’était une expérience technologique (et culturelle, justement) fortement intéressante.

    Je t’ai parlé un ti’ peu de mon père. J’enchaîne. Sa santé déclinant, je ne pense pas qu’il puisse s’exprimer sur le sujet. Je dirai ceci : mon père a d’abord été réalisateur. C’était aussi un geek, un adepte d’ordinateurs avant l’heure. Je me souviens qu’on avait des PC à la maison quand j’étais tout petit. On faisait pas grand-chose avec ça ; mais je me souviens de la fascination qu’il avait pour la chose. Ça tombe sous le sens ! La télé interactive avait certainement besoin d’un réalisateur doublé d’un geek, d’un tas de gens comme lui. Je crois que c’est important de développer ses passions, même si elles ne semblent pas faire de sens les unes par rapport aux autres. Les domaines d’intersection qu’on retrouve dans la vie sont surprenants.

    Quant aux jeux vidéo et la culture, je crois que tu as raison. C’est dommage. Encore aujourd’hui, il y a une sorte de stigmatisation du gamer, et quelqu’un qui se dit proche de la culture n’osera pas nommer les jeux vidéo. Alain Farah est une exception ; dans Mille secrets mille dangers, il évoque le fait que les jeux vidéo participent de sa culture. J’ai trouvé ça chouette et noble de sa part. Son ouverture sur le sujet peut en inspirer d’autres.

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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


En libre accès en format numérique ou disponible à l’achat en format papier.


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