J’aime bien la série Rings of Power (J. D. Payne & Patrick McKay, 2022-), même si elle est sans doute démesurément financée pour le résultat. Elle n’est en rien comparable à la trilogie de Peter Jackson et rend très peu hommage à l’oeuvre de Tolkien sous plusieurs plans, mais en même temps je trouve que si je la compare à d’autres séries télé comparables, comme The Witcher (Lauren Schmidt Hissrich, 2019-), elle n’a pas à pâlir.
Il y a un peu trop de deus ex machina, comme dans bien des séries, pour conserver le suspense. On tend à favoriser le drame de l’histoire racontée plutôt que de tenter de recréer un espace cohérent entre les lieux, permettant aux armées de Numenor d’atteindre le Mordor en un clin d’oeil, ou à Galadriel de se faire sauver par Arondir qui se trouvait au bon endroit au bon moment. Mais, justement, on retrouve ça un peu partout et ça en dit sans doute long sur la manière dont on tend à raconter des histoires ces temps-ci.
Les principales critiques sont bien sûr les comparaisons avec les livres ou les films de Jackson. Je lisais sur ScreenRant que Jackson a adapté le roman en personnifiant Sauron à travers l’oeil au sommet de Barad-dûr, alors que Tolkien pouvait faire sentir la présence de l’esprit de Sauron sans avoir à le montrer. Rings of Power peut se permettre un Sauron pleinement anthropomorphisé.
Tout l’intérêt de la première saison, d’ailleurs, réside dans la surprise sur qui est Sauron. Contrairement à la saison 2, où on connaît son identité, dans la saison 1, le personnage ne la révèle que tardivement et même les lecteurs de Tolkien n’y auront pas trouvé d’indice, considérant qu’il est personnifié par un nouveau personnage.
C’est ce que je notais comme problématique dans les jeux mettant en scène un univers déjà connu — dans un article publié dans Sciences du jeu. Pourquoi, par exemple, jouer Sauron dans un jeu de stratégie si on sait d’avance que Frodon a l’anneau et qu’il souhaite le détruire? Quelques gardes devant la montagne de feu pourraient lui permettre de sauver la face.
L’identité de Sauron à travers un nouveau personnage lui permet de duper les personnages mais aussi de duper les spectateurs, qui peuvent « re-regarder » une histoire dans l’univers de la Terre du Milieu sans avoir déjà toutes les clés pour connaître la suite des choses.
On retrouve des similarités dans des séries qui reprennent des univers sans en importer l’ensemble du lore: pensons à Gotham (Bruno Heller, 2014-2019), où tout nous mène normalement vers un Batman adulte qui combattra ses adversaires iconiques. On se permet de jouer sur les attentes des spectateurs en faisant mourir un personnage alors qu’il nous semblait être le futur Joker.
C’est peut-être une des particularités de la narration contemporaine: se permettre de jouer avec les attentes des univers narratifs empruntés, comme des figures qu’on peut utiliser un peu comme bon nous semble pour en raconter des versions alternatives. Les univers ou les personnages deviennent un peu comme des mythes clés en main à partir desquelles construire autre chose; les Elfes de Tolkien sont comme les super héros de DC ou Marvel, des figures de la culture populaire qu’on s’approprie pour en faire du neuf.
Image tirée de IMDB. |
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