Jella – Révolution tranquille

Jella fut un artiste de rap français, au sein du groupe Design (qui deviendra Liste Noire). En effet, Design était parmi le collectif Côté obscur, aux côtés notamment d’IAM, de Soul Swing (aujourd’hui Faf Larage) et de Radical (aujourd’hui Def Bond). Aujourd’hui installé au Québec, depuis 6 ans, il sort Révolution tranquille, permettant d’amener un grain de sel différent au sein de ce qui se fait ici.

On s’attendrait à un discours plus agressif, alors que Jella choisit d’appliquer au sens propre le qualificatif « tranquille ». Ce qui ne l’empêche pas d’avoir un discours politique enflammé, par exemple, sur « Drapeau », où il dénonce le fait que certains voudraient exclure les cités de la réalité française. « On est tous l’étranger de quelqu’un » : c’est l’idée véhiculée entre autres par le discours de René Lévesque, idée centrale pour l’album.

Les pièces instrumentales, assurées par Jella lui-même, ont plutôt tendance à mettre l’accent sur les paroles : quelques sons viennent ponctuer la boucle, mais, en général, ils sont composés de peu d’éléments. Les refrains font souvent figure d’exception. Dommage qu’il n’y ait pas de pièces musicales qui soient de la bombe, qui communiquent par elles-mêmes, sauf, à mon sens, « Guerre et paix » [la piste 02]. C’est donc le texte qui fait figure de proue.

Jella traite de sujets concrets, souvent politiquement « engagés », style qu’il maîtrise le mieux à mon sens, tout comme les pièces où il met de l’avant l’émotion, par exemple, « Merci ». La raison est simple : sa construction lyrique est axée sur le fond. Le texte ne s’handicape que très rarement pour la rime. À quelques reprises, les rimes semblent même « souffrir » au nom du sens. Le sens prime sur la forme textuelle.

Dans quelques années, avec les cheveux poivre et sel
Et peut-être un peu plus de poids, tu resteras quand même toujours ma princesse

« Ma diva »

L’émotion passe donc avant la versification, ce qui est tout à fait légitime, et reste cohérent dans l’ensemble de l’album. C’est pourquoi on est déçus lorsque le sens perd de sa pertinence, comme c’est le cas sur « Dieu merci… c’est vendredi ». On préférera les lignes qui parlent d’elles-mêmes, par exemple, « La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie », sur « Merci ».

Jella embarque parfois dans une tonalité plus humoristique, par exemple, sur « La vida loca », un « storytellin’ » qui sonne bien, mais qui manque de suspense sur le plan narratif. Dans ce dernier cas, l’avantage est dans la musicalité de la voix du refrain, d’une mélodie latine, comme c’est le cas sur « L’étranger » [la piste 03]. Sur « Dieu merci… c’est vendredi », la mélodicité est très décevante dans le refrain. C’est le cas aussi dans « Ensemble », où l’insertion d’un sample d’une pièce classique est plus ou moins en phase avec le rythme (le bpm) du reste.

Le texte manque à quelques occasions de force. « Ready » aurait pu mieux exploiter son sujet. Le concept de l’allégorie entre football et rap se fait bien, mais le lien ne se fait pas par métaphores, uniquement par comparaison relativement simple. À plus petite échelle, la ligne « Je parle pas de la France des cartes postales » aurait pu être intéressante comme figure de style, si on n’avait pas déjà entendu une ligne similaire sur « L’palais de justice » de Freeman en 1999 (rappée par K.Rhyme le roi).

Sur 12 pistes et 45 minutes, Jella en profite pour lancer des pierres à ceux qui en ont besoin, restant dans une tradition où le rap se veut revendicateur, politique. Ici, le message prime, c’est pourquoi on est déçus lorsque le texte n’y est pas ; pourtant, certaines pièces sont touchantes, émotives, ou encore témoignent d’une forte volonté combative, et valent certainement plusieurs écoutes.

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