Les articles signés « Katana » ont été parus à l’origine sur Hiphopfranco.com à l’époque où j’y écrivais des critiques d’albums. Ils ont été republiés progressivement ici depuis la disparition du site pour en conserver des archives. Les dates de publication sont parfois approximatives.
- Intro (Depuis mon réveil)
- Sourire de pluie
- Mon soleil
- Les Promenades Ontario
- Le nombril de mon monde
- 1er entracte
- Les jours passent
- Les bottes pleines (feat. Koriass & Confus)
- Donne-moi un break
- Ta peau
- 2e entracte
- Le bourbier
- En souvenir (feat. Confus & L’Assemblée)
- Bruce & Betchi (la suite) (feat. Betchi)
- Jonquière
- Rive-Sud
- Dernière rime
Écouter avec le sourire
Du groupe 2ème monde, SemiBruce nous sort un album solo attendu depuis près d’un an. Les temps changent : l’artiste évolue (pas dans le sens de « devenir meilleur » mais dans le sens de « changer en fonction de son environnement ») et adapte sa musique par rapport à ce qu’il est capable de faire et ce qu’il veut faire. Certains ont même qualifié SemiBruce de chansonnier (dont lui-même). Est-ce vraiment le cas?
Avant toute chose, j’aimerais rectifier quelques erreurs que j’ai fait dans l’article pour présenter SemiBruce ( « Portrait : SemiBruce » ) : Pleurer avec le sourire est le fruit d’une collaboration entre Bootleg Records, Iro Productions et Seven Seas Entertainment. Koriass & BobbyOne ne font pas partie de Bootleg Records, et le label s’est restructuré et réorganisé (bureau, studio d’enregistrement et de montage vidéo). Les membres officiels sont : Jz’uS, SemiBruce, Confus, Kariss, Betchie, Cardinal. SevenSeas représente Bootleg auprès de Select Distribution, et Groupe Style Communications s’occupe des relations de presse.
Revenons à l’album. Il y a effectivement une influence importante de la chanson traditionnelle québécoise. Il n’utilise pas seulement le sample , s’ajoutant de ce fait à la liste de ceux qui valorisent aussi l’interprétation musicale. On peut même reconnaître un clin d’œil à Beau Dommage (« Rive-Sud »). Le type de musique, malgré la syntaxe similaire au rap, est complètement différent de ce qui se fait habituellement. Tout comme son chant : pas toujours tout à fait rappé, surtout dans les refrains mais aussi parfois dans les versets, il ressemble davantage à de la « chansonnerie ». Le fait que les refrains semblent plus importants (particulièrement marquant sur « Les jours passent ») nous rappelle la chanson populaire. Il s’inscrirait donc dans une « nouvelle vague » de rappeurs québécois qui entre en rupture avec les conventions habituelles.
L’album commence par une track rétrospective sur sa carrière, faisant le point sur toutes les étapes où il a passé : la facture est ici assez classique. Son humour est toujours présent, se manifestant ici par des skits se permettant de ramener le thème du hockey sur la glace (avec le contagieux succès : « Jacques Demers »). Un type d’humour présent à peu près dans aucune autre musique que le rap. On reste aussi dans le même type de construction que cette musique : chaque vers étant plus long que la chanson populaire, un important assemblage de sonorités ainsi que le recours aux punchlines et aux lignes-images qui font ressentir le sens par elles-mêmes. Son lexique reste typiquement rap : des expressions comme « de la bombe » pour parler de sa track, « shit », « beat », « mic », « le mouvement », etc. Un versant rap à ne pas négliger, qui l’inscrit inévitablement dans la même lignée que ce qu’il a fait auparavant avec 2ème monde.
Quelle tendance influence laquelle? Il est à mon sens un peu abrupt de « condamner » immédiatement l’artiste d’avoir fait un chansonnier de lui-même. Le terme rappeur-chansonnier est effectivement approprié, dans la mesure où il est chansonnier pour ceux qui aiment le rap, et rappeur pour ceux qui apprécient la musique traditionnelle. Ce mélange de genres est particulièrement réussit, et à peu près tout ceux qui attendaient l’œuvre solo de cet artiste en sont sortis satisfaits.
Son rap est particulièrement descriptif, utilisant parfois des images concrètes qui parlent d’elles-mêmes (l’exemple type est sans doute « Ta peau ») : il n’a pas à nous expliquer comment il se sent, la description le fait elle-même. La simple description d’un quartier, l’ami qui devient parent, le parcours en auto sur la 132 en fumant un joint : les émotions sont plus implicites, mais deviennent ainsi plus fortes parce qu’on les ressent en même temps que lui.
Par son mélange de genres, l’album reflète la tendance actuelle qu’a le rap d’être influencée de tout styles musicaux, notion qui deviendra de plus en plus difficile à cibler. Plus qu’un chansonnier, plus qu’un rappeur, SemiBruce est davantage un artiste, qui utilise les éléments qui sont à sa disposition afin de transmettre son monde, afin de le fixer en quelque part dans l’espace et qu’il reste dans le temps.

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