Bonne audition et érudition
Showme, un des membres de Limoilou Starz, présente ici un projet solo qui témoigne d’un travail remarquable. L’artiste montre des ressemblances avec ses collègues de la capitale nationale, avec qui il fait des collaborations qui se montrent particulièrement intéressantes dans certains cas.
Il diversifie ses instrumentaux de ses collègues en ne privilégiant pas nécessairement la guitare. Le type de son n’est pas le même, et ici on semble mettre de l’avant les paroles. Le son est assez actuel, varié, ressemblant au niveau des productions parfois aux 2 Tom (qui collaborent justement), parfois allant jusqu’à un son semblable à NSD. Les instrus ne sont pas ce qui rend unique « Omniprésence » à mon sens, de par leur diversité dans un premier temps, mais aussi et surtout par la qualité des textes qui prennent nécessairement le dessus.
Il parle un langage très érudit. Même si la plupart des punchlines nécessitant une certaine connaissance sont plutôt forcés, le tout est rafraîchissant dans une musique axée davantage sur le punch immédiat. Ainsi, on fait allusion à Riopelle, on parle d’axiomes, de la femme postmoderne, etc. Les rimes vont parfois dans cette même logique : l’emploi d’un mot ou d’une expression qui semble plus intelligente vient aider à rimer davantage que donner un sens pertinent. Mais, ce vocabulaire est le témoin d’une culture qui a un impact évident sur les sujets – et qui est trop rare dans le rap (et encore plus rare dans la musique en général). C’est donc tant mieux qu’on puisse entendre un lexique plus complexe que la plupart de la musique populaire.
Dans certaines tracks, on se perd « à quelque part entre l’abscisse et l’ordonnée », on se perd entre le mot et son sens, ne sachant plus où se situer ni où la personne qui nous parle se situe :
Instinct de survie, mais reproduction peu probable
Comme un spermato cherchant l’ovaire dans un œsophage
(- « Entre l’abscisse et l’ordonnée »)
Mais, en général, on est presque toujours dans le rap « conscient », et déjà les titres le suggèrent : « Devenu adulte prématurément », « Quand la démocratie devient juste un mot », etc. Rares sont les collaborations qui mettent vraiment l’accent sur le sujet, mais pourtant, c’est vraiment le cas dans la plupart des featurings de l’album : « Électron libre » est un exemple particulièrement intéressant, où Les 2 Tom et Karim Ouellet embarquent complètement dans l’atmosphère et l’idée générale de départ. On se sent davantage dans un travail de création collective que dans un « name drop » de featurings intéressants.
Il y a bien sûr des déceptions, et quelques-unes vont plus loin que mon goût personnel. En effet, pourquoi avoir fait « Le vol », si c’est au fond plutôt un mélange entre « Cabaret » des 2 Tom et « Coup d’éclat » de Classick? On exploite l’idée de plusieurs personnages qui narrent la même histoire avec un punch final, et l’histoire est celle d’un vol dans une dynamique très semblable. La track « Beatboxing (bonus track) » est par ailleurs aussi très décevante : un posse track autour du lexique (lyrique et musical) de la boxe, animé par un présentateur qui enlève de la crédibilité à la mise en scène.
Dans l’ensemble le projet fonctionne très bien. Pour ma part, c’est une découverte d’un artiste qui a un message à transmettre et qui le met de l’avant sur ce projet. Avec tout un appareillage technique musical qui vient soutenir l’ensemble du message, on ne peut qu’approuver le résultat final.
Ma note personnelle : 8,5/10.
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