Que veut dire « queer »?

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L’expression « queer » porte parfois à confusion et je le vois notamment dans mes salles de classe. Être queer peut être une identité — c’est le Q dans l’acronyme 2SLGBTQ+ –, mais peut aussi parfois être un terme parapluie pour identifier ce qui sort de l’hétéronormativité.

Le terme queer fut un qualificatif insultant ou péjoratif pour quelqu’un hors de l’hétérosexualité; au sens littéral, il désignait plutôt « bizarre ». Maintenant, le terme a été réapproprié par les personnes qui le recevaient comme insulte. Il peut maintenant qualifier les personnes, les oeuvres ou les démarches artistiques/politiques qui critiquent ou déconstruisent l’hétéronormativité. C’est ainsi que Todd Harper, Meghan Blythe Adams et Nick Taylor le définissent dans l’introduction de leur ouvrage Queerness in Games:

Pour les universitaires, « queer » évoque des images de déconstruction et de marginalité [liminality], un point de vue qui questionne les structures et les binarités existantes et une diversité de travaux théoriques qui ont, en leur cœur, une critique de la manière dont le pouvoir hétéronormatif sert à limiter et comprimer notre compréhension du monde (Harper et al. 2018, p. 1).

Proposer une approche queer, suivant leur définition, ce serait tenter de questionner, déconstruire ou naviguer à contrecourant dans un contexte hétéronormatif.

L’hétéronormativité

Qu’est-ce donc que cette hétéronormativité dont on entend fréquemment parler dans les discours publics? Il s’agit de la perspective « normale » ou dominante de voir le monde, qui considère l’hétérosexualité comme le mode « par défaut ». L’hétérosexualité est peut-être majoritaire — ce n’est pas une mauvaise chose en soi –, mais voir le monde d’un point de vue hétéronormatif, c’est demander aux personnes qui ne sont pas hétérosexuelles d’évoluer dans la marge, de se faire discrets, de faire un coming out, de voir le couple hétérosexuel et la procréation comme étant normale ou même nécessaire. L’hétéronormativité devient un pouvoir parce qu’il n’a jamais à se justifier, contrairement aux autres identités (qui deviennent « trop politiques », qui « remplissent des quotas », etc.).

Sarah Evans synthétise bien cette idée en expliquant d’être « queer » peut tout autant évoquer l’identité d’une personne au-delà de l’hétéronormativité que la position politique de lutter contre celle-ci:

[…] la notion de « queer » que j’utilise est liée aux identités sexuelles non-hétéronormatives, tout autant qu’aux positions non-hétéronormatives au sein et vis-à-vis des institutions qui travaillent à policer la sexualité (Evans 2018, p. 18).

Toutes les fois où on dit qu’un jeu vidéo devient « politique » ou « woke » parce que le personnage principal est un personnage féminin, une personne racisée ou une personne homosexuelle démontre bien dans quelle mesure la normativité d’un individu reste une force importante et que les identités marginalisées le sont autant dans leur vie quotidienne qu’elles peuvent l’être dans les représentations culturelles. Le fait que la représentation de personnes non-binaires dans un jeu comme Boyfriend Dungeon (Kitfox, 2021) le rende marginal voire militant témoigne bien du peu de représentation des personnes marginalisées dans les médias.

Références

Evans, S. (2018). Queer(ing) Game Studies : Reviewing Research on Digital Play and Non-normativity. Dans T. Harper, M. Blythe Adams & N. Taylor (dir.), Queerness in play (p. 17‑34). Palgrave Macmillan.

Harper, T., Blythe Adams, M., & Taylor, N. (2018). Queer Game Studies : Young But Not New. Dans T. Harper, M. Blythe Adams &N. Taylor (dir.), Queerness in play (p. 1‑13). Palgrave Macmillan.


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Je suis professeur en études vidéoludiques à l’Unité d’enseignement et de recherche (UER) en création et nouveaux médias de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue au centre de Montréal.


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