De nombreux jeux de stratégie qui permettent de réfléchir à la question du pouvoir proposent autre chose qu’une instance désincarnée pour plutôt mettre en scène un gouverneur ayant une humanité (Bernard 2017; Reid et Downing 2018, 49). C’est ce que nous avons appelé dans nos recherches la macro-figure de la personnification. Au lieu de représenter des soldats sans personnalité, ils privilégient une humanisation du conflit à travers un ou des avatars, permettant l’expression du doute, de l’échec et des répercussions irréversibles. Ils donnent aussi une place plus grande aux identités de genres et culturelles.
La série Fire Emblem (Intelligent Systems/Nintendo SPD, 1990-2017) et Ogre Battle (Quest, 1993) sont de bons exemples de jeux proposant une forte personnification. Fire Emblem propose différentes séquences narratives où chaque personnage pourra avoir des interactions avec d’autres, parfois de manière anecdotique mais parfois pour leur révéler un troublant passé, un secret particulier ou un intérêt amoureux. Fire Emblem Echoes: Shadows of Valentia (Intelligent Systems, 2017) serait le premier de la série à proposer un personnage (Leon) ouvertement homosexuel qui parle de ses intérêts amoureux sans passer par des sous-entendus.
Dans Ogre Battle, des décisions morales viennent changer l’orientation morale de nos personnages, ceux-ci pouvant devenir d’un alignement mauvais lorsque nous attaquons des ennemis trop faibles. Leur personnification s’incarne dans l’autonomie morale qu’ils ont.

Pensons aussi à la différence entre les personnages de Final Fantasy (Square, 1987), de Final Fantasy III (Square, 1990) versus Final Fantasy IV (Square, 1992) et les suivants. Les premiers permettent de nommer nos personnages, mais leur personnification s’arrête à peu près là. Aucun élément de l’histoire ne vient leur donner une personnalité, nommer des valeurs qu’ils auraient, des peurs ou des émotions qu’ils pourraient vivre. Dans Final Fantasy IV, Cecil vit une limite morale à suivre son roi, vit des regrets de ses actions; Kain se laisse manipuler par jalousie envers son frère adoptif; Rydia apprend à vivre avec son traumatisme du feu. On peut s’attacher davantage aux personnages par qu’ils sont plus que des pièces de jeu et des statistiques de combat.
C’est sans doute de cet héritage des « jeux de rôle » que les jeux de stratégie ou les jeux tactiques tirent l’importance de la figure de la personnification et des stratégies narratives qui en découlent.

Références
- Bernard, Jérémie. 2017. « Jouer le Gouverneur: Analyse du rapport émotionnel au système dans le jeu vidéo de gestion ». Mémoire de maîtrise, Université de Montréal.
- Reid, Samantha, et Steven Downing. 2018. « Survival Themed Video Games and Cultural Constructs of Power ». Loading… 11 (18). http://journals.sfu.ca/loading/index.php/loading/article/view/202.

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