Même combat
Soldats de fortune rassemble plusieurs éléments récurrents dans l’œuvre d’Akhenaton, particulièrement pour ce qui est des thématiques et des lexiques allégoriques. Avec plusieurs collaborations de taille, l’architecte alphabétique et musical du groupe IAM livre une nouvelle œuvre solo qui a plusieurs différences avec ses précédents.
On peut dire en effet que Soldats de fortune rend compte de plus d’expérimentation de la part de l’artiste, particulièrement sur le plan de son architecture musicale, qui se veut différente de ce qu’on a entendu précédemment. Il ne s’agit pas de changement extrême; il y a là une suite logique après ses précédents, mais l’exploration musicale donne à chaque piste sa propre tonalité, et rend l’album complètement diversifié. C’est une découverte de nouveaux sons, passant parfois par une touche électro déjà démontrée par le passé (ex : « Une autre dimension »), parfois par des sons plus classiques, allant jusqu’à une dimension presque orchestrale (sur « Troie »), revenant à un son très sombre et simple (« Bien paraître ») en passant par une musicalité incontestable mais plus douce sur le remix de « Quand ils rentraient chez eux… ».
Globalement, on peut dire qu’une différence importante entre Akhenaton en solo et avec IAM, c’est un choix de sujets plus personnels, intimes, presque sur un ton de conteur. L’histoire de sa propre vie qui se raconte en plusieurs volets depuis Métèque et mat (1996). Même avec un nombre faramineux de collaborations, la touche Akhenaton y est ici toujours aussi forte, aussi palpable, les autres chanteurs amenant une tranche de leur vie qui vient coller aisément au récit du rappeur, comme le démontre « Bien paraître ».
Akhenaton reste dans un lexique thématique déjà entendu, c’est-à-dire la guerre, les soldats, dans « Soldats de fortune » ou « Troie », par exemple. Il ramène ainsi l’idée d’un combat contre les Wack MC’s, plus explicite sur « Comode « le dégueulasse » ». D’ailleurs, le sujet trop cliché de cette confrontation, lorsqu’elle sort des concepts pour en venir à un pur brag, devient trop; le punchline n’est vraiment pas la figure de style qui met le mieux en évidence les talents d’Akhenaton. Par contre, la complexité des rimes n’est plus à contester : « Entre la pierre et la plume », avec Shurik’n, est simplement rempli de constructions sonores à couper le souffle, sans affecter ni le flow ni le sens.
Mélanges de tristesse et de joie sont certaines pistes, comme par exemple « Canzone di Malavita », témoin de l’expérience de vie du rappeur. Le même mélange émotionnel se laisse transparaître sur « Bien paraître », où Akhenaton, Shurik’n et Sako parlent du manque de fierté de parents qui laissent de côté leurs origines qui pourraient les nuire dans un nouveau milieu. Évidemment, la politique n’est pas épargnée, présente sous forme de lutte d’inégalités sur l’efficace « Vue de la cage » (avec une collaboration remarquable de Psy4 de la rime), et sur « Mots blessés », d’un ton plus triste.
L’édition limitée vaut la peine, même si ce n’était que pour la fameuse sequel de « Demain, c’est loin », une chanson construite sur le même schème : 10 secondes d’instrumental en guise d’introduction, Shurik’n & Akhenaton chacun leur moitié (plus ou moins égale ici), et, bien sûr, une coupe franche qui termine le dernier verset sur le titre, ici « La fin de leur monde ».
Akhenaton rappelle qu’il n’a plus rien à prouver musicalement : ici, on voit qu’il sait bien maîtriser son médium, sans le laisser prédominer sur ce qu’il a à dire, qui, depuis toujours, reste le plus important. Soldats de fortune ne se contente pas de répéter les schèmes qui ont fonctionné précédemment, mais réinvente des formes pour de nouveaux concepts à exprimer.
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