L’une des choses que j’aime de lire énormément de textes en faisant de la recherche, c’est qu’on y trouve souvent des passages intéressants qui parlent d’une chose très différente de ce sur quoi apparemment le texte se penche. Dans l’article de Michel Chion paru dans le dernier numéro de Kinephanos, Chion s’intéresse plus particulièrement à la présence sonore ou textuelle de différentes langues et à notre rapport à celles-ci.
Mais dans un paragraphe quasi aparté par rapport au sujet de son texte, il rappelle une réalité que tous les étudiants et chercheurs, et plus particulièrement les plus jeunes d’entre nous, devraient savoir lorsqu’ils s’intéressent au cinéma d’il y a plus de trente ans.
[…] jusque vers la fin des années 1970, c’est-à-dire avant l’apparition de la vidéo-cassette puis du Laserdisc et du DVD, un film, par définition, qu’il passe dans une salle de cinéma ou à la télévision, était regardé en continu et donc sans possibilité de repérer ces fautes, avec pour le spectateur un temps limité de lecture, qui lui permettait juste d’effleurer du regard le texte qu’il voyait ou entrevoyait dans l’image. Tout enseignant de cinéma se doit, à mon avis, de rappeler cela à des étudiants qui analysent des films d’avant 1980 à partir de copies qu’ils ont revisionnées à l’infini, dont ils peuvent geler les images et tirer des photogrammes, et qui parfois font sur ce film des observations voire des critiques qui n’ont pas de sens si on resitue ces films dans leurs conditions normales de réception (Chion 2012, p. 13-14).
Évidemment, tout dépend du type d’analyse qu’on en fait. Mais il est évident que pour comprendre le rôle d’un film, par exemple, dans l’histoire du cinéma d’avant 1980, la compréhension des conditions normales de réception du film est essentielle. On doit évidemment excuser un analyste de films de cette période de faire des erreurs factuelles lorsqu’il décrit une scène pour l’analyser: dans une salle obscure, il ne peut tout à fait prendre en note tout ce qu’il veut pour son travail. Dans d’autres cas, il doit décrire le film de mémoire, une copie n’étant peut-être pas disponible sous sa main ni une projection organisée pour son seul besoin. Comprendre un objet, c’est aussi comprendre qu’il est un objet dans un contexte de réception précis.
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